TotalEnergies retire ses administrateurs du géant gazier russe Novatek
La multinationale pétrolière TotalEnergies a annoncé le 9 décembre que ses administrateurs au sein de la société gazière russe Novatek ne siègeraient plus au conseil d’administration. De fait, cette décision rompt les liens qui unissent ces deux entreprises, assure le géant énergétique français.
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Le géant pétrolier et gazier TotalEnergies a annoncé vendredi 9 décembre 2022 sortir de l’entreprise russe Novatek, dont il détenait 19,4 % du capital. Un choix coûteux – puisqu’il le conduit à une dépréciation d’actifs de 3,7 milliards de dollars dans ses comptes du 4e trimestre 2022 – mais auquel l’industriel français n’a pu échapper, tant la situation était devenue intenable depuis août 2022.
L’enquête du Monde et de Global Witness
Le 24 août, le journal Le Monde, dans une enquête réalisée avec l’ONG Global Witness, affirme que du gaz d’une coentreprise de TotalEnergies aurait permis de fabriquer du kérosène pour alimenter les avions de guerre russes sévissant en Ukraine. Depuis l’invasion russe le 24 février et les sanctions décidées par l’Union européenne, l’industriel français a cessé en Russie de jouer un rôle dans le pétrole et d’y investir, mais il a maintenu ses activités dans le gaz, qui représentait en 2021 85 % de sa production d’hydrocarbures dans ce pays. « Ce sont les autorités européennes qui nous ont demandé de continuer à fournir les consommateurs européens car ils ne peuvent pas encore s’en passer », s’en expliquait le 15 juin 2022 le PDG de TotalEnergies dans un entretien à Ouest-France .
En Russie, TotalEnergies est alors actionnaire à hauteur de 19,4 % de Novatek, qui possède aussi 51 % de l’entreprise Terneftegaz, dont l’industriel français détient le reste du capital. À partir d’un champ gazier exploité par Terneftegaz, une raffinerie de Novatek aurait fabriqué des carburants expédiés vers des bases de l’armée de l’air russe situées près de l’Ukraine, du 13 février et jusqu’en juillet, accuse Global Witness.
« Non, TotalEnergies ne produit pas de kérosène pour l’armée russe », réagit immédiatement le groupe français le 24 août, disant réfuter « l’ensemble des allégations infondées qui sont faites dans cet article » et menaçant de recourir à la justice. L’industriel tente aussi de minimiser son rôle au sein de Terneftegaz.
2. La sortie du capital de Terneftegaz
Deux jours plus tard, TotalEnergies annonce pourtant s’être accordé avec Novatek pour lui céder sa participation de 49 % dans la société Terneftegaz. Une opération entamée dès juillet, affirme-t-il, et ce « dans des conditions économiques permettant à TotalEnergies de recouvrer les montants investis dans ce champ ». La vente est finalisée en septembre.
En parallèle, le groupe français dit avoir reçu des éléments nouveaux de son partenaire russe Novatek confirmant que le combustible fabriqué n’était pas destiné aux avions de guerre russes.
La veille, le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, a appelé à « faire la lumière » sur les accusations contre TotalEnergies, assurant qu’il s’agissait d’un « sujet extrêmement sérieux ».
3. Une plainte pour « complicité de crimes de guerre » en Ukraine
Le 13 octobre 2022, la pression s’accentue. Une plainte pour « complicité de crimes de guerre » en Ukraine est déposée contre TotalEnergies, auprès du Parquet national antiterroriste par deux associations : la bordelaise Darwin Climax Coalition, et l’ukrainienne Razom we stand, qui appelle à imposer un embargo sur les importations d’énergie fossile de Russie. TotalEnergies s’insurge contre ces accusations qu’il juge outrancières et diffamatoires.
4. La fin de la participation dans Novatek
Rester actionnaire de Novatek devenait intenable, alors même que TotaEnergies avait anticipé, dès le début de la guerre en Ukraine, des difficultés : il avait alors annoncé une provision (argent mis de côté) de 3,5 milliards en raison de possibles sanctions internationales sur sa participation dans Novatek.
Une participation qu’il dit aujourd’hui ne pas être en mesure de vendre, « compte tenu des accords en vigueur entre actionnaires, puisqu’il lui est interdit de vendre des actifs à un des principaux actionnaires de Novatek en raison des sanctions le visant ».
Mais il apporte sa propre justification à sa décision de prendre ses distances : « compte tenu des sanctions européennes en vigueur depuis le début du conflit, les deux administrateurs représentant TotalEnergies au sein du conseil d’administration de Novatek sont conduits à s’abstenir lors des séances du conseil d’administration de cette société, notamment sur les questions financières. Ils ne sont donc plus en mesure d’assurer pleinement leur mission au sein de ce conseil, ce qui pourrait poser des problèmes de gouvernance à cette société ».
Le groupe français enclenche donc le retrait immédiat de ses administrateurs chez Novatek, et ne consolidera plus cette participation dans ses comptes.
Mais Greenpeace France souligne que « cette annonce ne signifie pas une sortie de Russie pour la major française, qui détient toujours des parts dans les projets gaziers Yamal LNG (20%) et Arctic LNG 2 (10%), hors Novatek. Ces deux mégaprojets gaziers sont considérés comme des bombes climatiques et s’ajoutent au portfolio, existant ou en projet de l’entreprise, délétère pour la planète. »
En 2021, TotalEnergies avait réalisé un bénéfice annuel de 16,3 milliards de dollars et un chiffre d’affaires de 205 milliards de dollars.