L’économie tunisienne face à la crise de la dette des subprimes et la crise des dettes souveraines européenne
Alors que la pandémie plombe le système de santé, les Tunisiens subissent les conséquences d'une crise économique interminable. Manger, s'habiller et se soigner est un défi quotidien. Au bord de la rupture, ils accusent la classe politique.
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Sans surprise, le deuxième tour des législatives n’a pas suscité le réveil des foules en Tunisie. Seulement 11,4 % des votants se sont exprimés, selon les chiffres officiels publiés lundi 30 janvier, lors de ce scrutin boycotté par les partis d'opposition.
Accusé par ses détracteurs de vouloir concentrer tous les pouvoirs, le président Kaïs Saïed est également très critiqué pour sa gestion de la crise économique qui frappe le pays.
La Tunisie, qui a vu sa dette exploser ces dernières années, a conclu, mi-octobre, un accord de principe avec le FMI (Fonds monétaire international) pour un prêt de 1,7 milliard d’euros. Mais l’institution, qui a exigé des réformes structurelles en échange, n’a pour l’heure pas débloqué cette aide. Une situation qui laisse présager une année 2023 "compliquée", s’est inquiétée, début janvier, la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Inflation et pénuries
Pour la population tunisienne, l’aggravation de la crise économique que traverse le pays se traduit en premier lieu à la caisse. Malgré les subventions du gouvernement, l’inflation a dépassé les 10 % en 2022. Cette hausse des prix, particulièrement forte dans le pays en ce qui concerne la viande, les œufs et les huiles, est liée à la guerre en Ukraine. Le conflit a fait exploser le prix des matières premières et notamment des céréales, utilisées pour nourrir le bétail. En parallèle, les pénuries se sont multipliées dans les rayons pour de nombreuses denrées alimentaires de base comme le sucre blanc, le café ou le riz.
La guerre en Ukraine "a aggravé un contexte déjà difficile", soulignait en octobre dernier Samir Saïd, ministre de l’Économie, sur France 24, expliquant que la Tunisie a connu ces dernières années une succession de chocs économiques dont elle peine à se relever.
En 2015, les attaques terroristes islamistes du musée Bardo à Tunis, puis d’une station balnéaire près de Sousse, avaient infligé un net coup d’arrêt à l’industrie touristique, qui comptait jusqu’alors parmi les plus importants secteurs économiques du pays. Déjà fortement endettée, la Tunisie a ensuite dû faire face à la pandémie de Covid-19 qui a généré un pic d’inflation et encore creusé les caisses de l’État. Entre 2019 et 2021, la dette publique du pays a ainsi crû de 7,5 milliards d’euros, dépassant 32 milliards, soit 85,5 % du PIB.
Le consommateur ou la dette
Pour Ali Kooli, banquier tunisien et ancien ministre des Finances, ces crises successives n’ont fait qu’accélérer la chute d’un système à bout de souffle. "Contrairement à nombre de ses voisins qui ont depuis longtemps libéralisé leurs économies, la Tunisie a conservé une législation très contraignante sur les investissements qui nuit à sa croissance. En parallèle, elle contrôle les prix en subventionnant de nombreux produits importés, tels que les hydrocarbures, le café ou le sucre, mais aussi des filières nationales comme celle du lait. Or ce système est arrivé au point de rupture : l’État n’a tout simplement plus les moyens de financer ces subventions", analyse-t-il.
Contraint de choisir entre la protection du consommateur et le contrôle de ses dépenses, le gouvernement a annoncé en décembre une baisse des subventions des produits de base, au risque d’alimenter encore un peu plus la forte inflation dans le pays.