Football : 30 ans après la catastrophe de Furiani en Corse, les victimes se souviennent
Le 5 mai 1992 à Furiani en Corse, la tribune nord du stade Armand-Cesari s’effondrait, faisant 19 morts et 2.357 blessés
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Ce 5 mai 1992 au soir, sous le soleil qui brille, le stade Armand-Cesari de Furiani est un volcan qui promet l’enfer au grand OM de Bernard Tapie, alors ministre de la Ville. Bastia-Marseille, c’est l’affiche rêvée pour une demi-finale de Coupe de France.
Pour accueillir le géant marseillais, en moins de deux semaines, les dirigeants corses ont élevé une nouvelle tribune nord de 10 000 places dans le modeste stade bastiais, habitué aux matchs de seconde division. Dans l’enceinte portée à 18 000, l’ambiance monte. À tel point que les organisateurs s’inquiètent pour la sécurité de la tribune, un échafaudage géant qui repose sur des tasseaux de bois, parfois posés sur des parpaings, terminée le jour même, sans avoir été validé par la commission de sécurité. Le speaker, Jean-Pierre Paoli, demande aux supporters de « ne pas taper des pieds sur la partie en fer, pour des raisons de sécurité ».
On saura par la suite que, quelques jours plus tôt, une autre commission avait émis des réserves quant à la sécurité de l’édifice.
La fête vire au cauchemar
20 h 23. À quelques minutes du coup d’envoi, alors que les stars marseillaises Jean-Pierre Papin, Basile Boli, Abedi Pelé ou Chris Waddle sont encore au vestiaire, un bruit sourd met fin aux chants des supporteurs. Des hurlements leur succèdent. La fête vire à l’horreur : le haut de la tribune provisoire vient de s’effondrer, précipitant 3 000 personnes dans une chute de quinze mètres de haut. C’est la panique.
Ceux qui ont échappé au drame se précipitent immédiatement dans les décombres pour secourir les personnes prises au piège. De l’autre côté de la tribune, les joueurs bastiais démontent les grillages pour que les rescapés puissent s’échapper de l’enfer et descendre vers le terrain. Certains joueurs participent aux premiers soins. La pelouse se transforme en hôpital de fortune, sous les yeux de la France entière qui vit ce drame en direct à la télévision.
À 21 heures, l’ordre d’évacuation est donné, dans un ballet d’hélicoptères. À 22 heures, le plan rouge est déclenché. Les services de santé du continent notamment de Marseille, sont appelés à la rescousse. Durant la nuit, le bilan s’alourdit d’heure en heure. Il s’élèvera au total à 2 357 blessés et 18 morts.
Un « événement terrible qui endeuille tout le pays »
Au retour de sa visite de l’Exposition universelle de Séville, François Mitterrand, le chef de l’État, qui a qualifié la catastrophe d’« événement terrible qui endeuille tout le pays », s’est rendu dès le 6 mai au stade de Furiani, avant d’aller visiter plusieurs blessés à l’hôpital de Falconagia.
« Au lendemain de la catastrophe du stade de Furiani, alors que l’on s’interroge sur l’ampleur du bilan, les enquêtes ordonnées par les instances compétentes remettent en question non seulement le principe des installations provisoires, mais aussi l’irresponsabilité des décideurs », peut-on lire à la une de « Sud Ouest » le 7 mai.
Le drame, le plus grand de l’Histoire du sport français, provoque l’arrêt de la Coupe de France 1992, qui n’avait jamais été annulée, pas même lors de la Seconde Guerre mondiale.
Un long feuilleton judiciaire
Côté judiciaire, un seul des 13 prévenus initialement poursuivis a écopé d’une peine de prison ferme, le constructeur de la tribune provisoire, condamné à deux ans de prison en première instance et qui n’avait pas fait appel.
À l’issue du procès en appel, en 1995, huit autres prévenus, dont des responsables du club, de la Ligue corse ou de la FFF, ainsi que l’ancien directeur de cabinet du préfet, ont été condamnés à du sursis ou des amendes.
Devoir de mémoire
Ce fut « une tragédie nationale, une des pages les plus sombres de l’histoire sportive » française
Depuis, le devoir de mémoire est respecté tous les ans afin de ne jamais oublier ce drame. Le 14 octobre 2021, une loi a été votée pour qu’aucun match de football de première, deuxième division, de Coupe de France et du Trophée des Champions ne soit joué le 5 mai dans l’Hexagone. Ce fut « une tragédie nationale, une des pages les plus sombres de l’histoire sportive » française, avait souligné la ministre des Sports Roxana Maracineanu en février 2020, lors de l’adoption par l’Assemblée nationale du texte porté par un député corse.