Corse sous haute tension : après l’enterrement d’Yvan Colonna, qu'est-ce qui s'est passé ?
S'appuyant sur une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, le week-end du 26 et 27 mars a été marqué par de nouveaux affrontements entre des jeunes nationalistes et les forces de l’ordre. Les milieux indépendantistes accusent des CRS de la caserne de Furiani d'avoir entonné la Marseillaise au moment des obsèques d'Yvan Colonna.
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Un drapeau tricolore brûlé, une pancarte scandant "Français de merde" brandie et deux membres des forces de l'ordre blessés. Dimanche, des rassemblements émaillés de violences ont été organisés devant deux casernes de CRS en Corse. À Furiani, au sud de Bastia, près de 500 personnes se sont déplacées. Des jeunes ont secoué les grilles du cantonnement et ont allumé un feu. Les forces de l'ordre ont répliqué avec du gaz lacrymogène.
Une vidéo relayée sur les réseaux sociaux
À l'origine de la gronde, une vidéo prétendument tournée dans cette même caserne. Diffusée à partir de samedi matin sur les réseaux sociaux, on y voit, en mauvaise qualité, un groupe de personnes réunies sur un espace vert. Des voix masculines terminent d'interpréter La Marseillaise, avant que la clameur s'empare du petit groupe.
Sur les réseaux sociaux, la scène passe mal. Ceux qui la partage assurent qu'elle a été tournée vendredi après-midi, au moment même où se tenaient les obsèques d'Yvan Colonna.
"Les CRS de Furiani ont organisé une grande fête hier pour célébrer l'enterrement d'Yvan Colonna: barbecue, Marseillaise chantée à tue-tête, au moment précis du début des obsèques d'Yvan, hurlements de joie: 'on l'a eu!'", a commenté sur Twitter le parti politique autonomiste Femu a Corsica.
Deux témoins interrogés par Corse-Matin indiquent également avoir filmé la scène, tous deux aux alentours de 15 heures, soit à l'heure où se sont tenues les obsèques du militant indépendantiste condamné à trois reprises pour l'assassinat du préfet Erignac.
Plusieurs organisations et institutions corses, après avoir mis les drapeaux en berne sur l'île après la mort de Colonna - une "faute" selon Emmanuel Macron - avaient précisément appelé à observer une minute de silence à cet instant.
Mais comme l'indique Libération, il est impossible d'accéder au fichier vidéo original, permettant d'attester avec certitude que la scène a été filmée vendredi après-midi, et que les voix entendues ne sont pas un montage sonore. Au quotidien, une source policière confirme néanmoins qu'une compagnie républicaine de sécurité était de repos vendredi. Elle en a profité pour organiser un barbecue au cantonnement de Furiani.
Également contactée, la préfecture de Haute-Corse n'a ni confirmé ni infirmé l'authenticité de la vidéo. Une source syndicale a assuré à l'AFP que les chants étaient "réels", mais sans "aucune connotation sur quoi que ce soit".
"La haine pure"
Des figures publiques, considérant comme établie la véracité du document, ont dénoncé les faits. Christine Colonna, la sœur de l'indépendantiste tué en prison, a assuré avoir entendu "ils l'ont eu", dans un tweet accompagné par la vidéo.
Quant au député corse Jean-Félix Acquaviva, il a déclaré, également sur Twitter:
"Comme cela semble être le cas, les CRS à Furiani 'fêtaient' à l'heure de l'enterrement, la mort d'Yvan Colonna en chantant La Marseillaise, avec des cris d'allégresse. La haine pure.... Un scandale de trop. Nous demandons immédiatement des comptes au gouvernement".
Certains demandent le départ des CRS pointés du doigt. "C'est un décalage complet entre le ressenti et le recueillement de toutes la société corse sous toutes ses composantes, et ces comportements. Il y a une demande populaire très forte pour demander le départ de cette compagnie", a déclaré, sous le bruit des explosions, Paul-Félix Benedetti, leader de Corse in Fronte, un mouvement indépendantiste.
Les forces de l'ordre prises pour cible
Sur l'île de beauté, traversée par un regain de tensions depuis la violente agression d'Yvan Colonna en prison par un détenu radicalisé, la vidéo a rallumé la flamme des violences. Plusieurs appels à manifester ont été lancés par les mouvements indépendantistes Core in Fronte, Corsica Libera, ainsi que par des syndicats étudiants nationalistes, les principaux moteurs de la mobilisation intervenue après la mort de Colonna.
En plus des 500 personnes réunies à Furiani, 200 se sont également retrouvées dimanche à la caserne d'Aspretto, à Ajaccio. Des manifestants ont là aussi allumé un feu devant le portail, entraînant une réplique policière avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Mais c'était bien devant la première caserne que la colère était la plus grande, les manifestants jetant des fumigènes et des cocktails Molotov. Outre les deux policiers blessés, quelques protestataires légèrement blessés ont été pris en charge par les pompiers.