Les effets d’une arme nucléaire sur notre vie et notre environnement
Trois jours après le début de l’invasion de l’Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine, a menacé de faire usage de l’arme nucléaire. A ce jour, neuf pays en sont dotés. Alors que celle-ci est surtout considérée comme une arme de dissuasion, son utilisation dans un conflit généralisé aurait des conséquences désastreuses, non seulement pour l’humanité, mais aussi pour la vie sur Terre.
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Qui détient l’arme nucléaire ?
Neuf pays sont actuellement dotés de l’arme nucléaire :
les cinq puissances nucléaires de la guerre froide : la Russie, les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni et la France (seul pays de l’Union européenne à être une puissance nucléaire aujourd’hui) ;
trois États qui ont ouvertement reconnu l’avoir développée depuis la fin de la guerre froide : le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord ;
Israël, qui n’a jamais reconnu officiellement détenir cette arme.
Ces nations ne communiquent pas toutes de manière transparente le nombre de têtes nucléaires qu’elles détiennent. Pour estimer la taille de ces arsenaux, les recherches de la Federation of American Scientists (FAS) font autorité. Au début de l’année 2022, selon cette organisation non gouvernementale, les neuf pays « possédaient environ 12 700 ogives ».
Qui possède le plus d’armes nucléaires ?
Le stock mondial d’ogives est réparti de manière très inégale entre les puissances nucléaires. La Russie et les États-Unis, protagonistes de la course aux armements lors de la guerre froide, en détiennent à eux deux environ 90 %. Chacun possède environ 4 000 charges nucléaires opérationnelles. Toutefois « la plupart des arsenaux de petite taille peuvent mettre fin à la civilisation telle que nous la connaissons », rappelle Benoît Pelopidas, fondateur du programme d’étude des savoirs nucléaires (Sciences Po, CERI).
Quels sont les effets d’une arme nucléaire ?
Lors de son explosion, une arme nucléaire génère d’abord une boule de feu, dont la taille varie avec la puissance. Une bombe de 1 kilotonne générerait ainsi une boule de 60 mètres de diamètre provoquant des dégâts jusqu’à 2 kilomètres autour du point d’impact. Une bombe de 1 000 kilotonnes générerait une boule de feu de plus de 1 kilomètre, dont l’impact pourrait avoir un rayon allant jusqu’à 20 kilomètres.
Les impacts immédiats et dévastateurs d’une bombe atomique :
effet de souffle : l’explosion provoque une onde de choc avec un déplacement d’une masse d’air à même de détruire tous les objets environnants. Le vide créé par le déplacement de l’air entraîne ensuite des vents violents, similaires à un cyclone ou une tornade ;
chaleur : les rayonnements lumineux et leur chaleur, qui représentent plus du tiers de l’énergie de la bombe, provoquent des incendies et des brûlures sur les personnes ;
radiations : la bombe génère une irradiation directe au moment de son explosion ; à long terme, elle produit une pollution radioactive pouvant être transportée par les vents sur de grandes distances ;
impulsion électromagnétique : la bombe engendre un déplacement d’électrons qui grille la plupart des appareils électroniques.
A ces effets immédiats s’ajoute un impact à plus long terme sur le climat. Les incendies et le nuage de poussière générés par l’explosion formeraient un manteau de suie et de matière qui occulterait la lumière du soleil. Les études divergent quant à la durée d’action de ce manteau, qui pourrait aller de quelques jours à plusieurs années. Selon Jean-Marie Collin, « une étude de 2013 intitulée “Nuclear famine : two billion people at risk ?” [“Famine nucléaire : deux milliards de personnes en danger”] montre qu’un conflit nucléaire limité entre l’Inde et le Pakistan, soit l’utilisation de moins de 100 armes nucléaires, pourrait être à l’origine de perturbations climatiques à l’échelle mondiale, entraînant une diminution massive des rendements agricoles à travers la planète et provoquant une famine affectant 2 milliards d’êtres humains. »
Une autre conséquence encore plus redoutable, mais qui n’a pas fait l’objet d’un consensus, est « l’hiver nucléaire » : les particules projetées dans l’atmosphère et la stratosphère pourraient provoquer un changement profond et durable du climat.
Qu’est-ce que la dissuasion nucléaire ?
La dissuasion nucléaire est un concept militaire né dans les années 1950. Le principe : convaincre l’adversaire que le prix à payer après une attaque est supérieur aux gains qu’il pourrait en retirer. La dissuasion nucléaire suppose donc qu’un État qui lancerait une attaque nucléaire s’expose irrémédiablement à des représailles au moins égales aux conséquences subies par son adversaire.
Selon Bruno Tertrais, le système repose « sur un dosage subtil de transparence et d’ambiguïté calculée » : transparence sur la capacité d’armement pour convaincre l’ennemi de la puissance nucléaire dont on dispose et ambiguïté sur les ripostes envisagées en cas d’attaque pour que l’ennemi ne soit pas en mesure de calculer précisément les conséquences d’une frappe.
Dans son ouvrage Repenser les choix nucléaires (Presses de Sciences Po, 2022, 26 euros), Benoît Pelopidas estime que la dissuasion nucléaire est « un pari sur la vulnérabilité comme condition de la sécurité ». Ainsi, le choix de la dissuasion revient, pour un État, à se dire que « ne pas pouvoir protéger sa population n’est pas un problème car l’ennemi n’attaquera pas. Cela suppose aussi qu’il n’y aura pas d’accident. Et cela suppose surtout que l’ennemi sera intimidé par la menace nucléaire et que cette peur le rendra prudent ».
Ce qui, dans le cas de Vladimir Poutine, est loin d’être une certitude. « La doctrine nucléaire russe, qui a changé en 2020, considère cet arsenal comme une arme pouvant répondre à des attaques non nucléaires, mais conventionnelles, si l’existence même de l’Etat est en question, relève Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie (université Paul-Valéry Montpellier 3, Institut diplomatique de Paris). L’interprétation russe de l’engagement militaire européen en Ukraine peut poser un problème dans ce qu’elle considère comme mettant en question l’existence même de l’État russe. »