L'esclavage moderne : 50 millions de personnes forcées de travailler ou de se marier, selon l'ONU
L'esclavage moderne a continué de s'étendre dans le monde ces dernières années, avec près de 50 millions de personnes forcées de travailler ou de se marier l'an dernier, a annoncé lundi l'ONU.
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L'ONU souhaite éradiquer ce fléau en 2030 mais, l'an dernier, 10 millions de personnes supplémentaires se trouvaient en situation d'esclavage moderne par rapport aux estimations mondiales de 2016, selon le dernier rapport rendu public par l'Organisation internationale du travail (OIT) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) - deux agences de l'ONU - avec l'ONG Walk Free Foundation. Sur les 50 millions d'esclaves modernes, près de 27,6 millions étaient des personnes soumises au travail forcé et 22 millions étaient des personnes mariées contre leur gré.
«Le Covid-19 n'explique pas tout»
«Nous demandons de toute urgence que les entreprises soient obligatoirement soumises à un devoir de diligence, afin d'empêcher le recours au travail forcé et d'autres violations dans les chaînes d'approvisionnement», a réagi Sharan Burrow, la secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI), qui représente 332 organisations affiliées dans le monde. La pandémie provoquée par le coronavirus - qui a entraîné une détérioration des conditions de travail et une augmentation de l'endettement des travailleurs - a renforcé les ressorts de l'esclavage moderne. Mais «le Covid-19 n'explique pas tout», a déclaré à l'AFP le directeur général de l'OIT, Guy Ryder.
Ces dernières années, la multiplication des conflits armés et le changement climatique ont contribué à accroître le risque d'esclavage moderne, en occasionnant des perturbations sans précédent en matière d'emploi et d'éducation, en aggravant l'extrême pauvreté, en multipliant les migrations forcées et en faisant exploser les cas de violence fondée sur le genre. Guy Ryder appelle les gouvernements mais aussi les syndicats de travailleurs, les organisations d'employeurs, la société civile et les gens ordinaires à lutter contre «cette violation fondamentale des droits de l'homme». Le rapport propose en particulier d'améliorer et d'appliquer les lois et les inspections du travail, de mettre fin au travail forcé imposé par l'État, d'étendre la protection sociale et de renforcer les protections juridiques, notamment en portant l'âge légal du mariage à 18 ans sans exception.
Dans tous les pays
Les femmes et les filles représentent au total 54% des cas d'esclavage moderne. Près d'un travailleur forcé sur huit est un enfant et plus de la moitié d'entre eux sont victimes d'une exploitation sexuelle à des fins commerciales. Les travailleurs migrants sont, quant à eux, plus de trois fois plus susceptibles d'être soumis au travail forcé que les adultes non migrants. Antonio Vitorino, le directeur général de l'OIM, plaide pour que toute migration «soit sûre, ordonnée et régulière», afin de réduire la vulnérabilité des migrants. L'esclavage moderne est présent dans presque tous les pays du monde.
Plus de la moitié (52%) de tous les cas de travail forcé et un quart de tous les mariages forcés se trouvent dans les pays à revenus moyens supérieurs ou à revenus élevés. Le mariage forcé a pris de l'ampleur ces dernières années, en hausse de 6,6 millions depuis les estimations mondiales de 2016. Le rapport révèle aussi que le nombre des personnes en situation de travail forcé a augmenté de 2,7 millions entre 2016 et 2021, une progression uniquement due au recours à ce type de travail dans le secteur privé, notamment dans le cadre de l'exploitation sexuelle commerciale.
Rapporté à la taille de la population, c'est dans les pays arabes que le travail forcé est le plus important. En chiffres absolus, l'Asie et le Pacifique abritent plus de la moitié du nombre total mondial des travailleurs forcés. Le rapport souligne en particulier que divers organes de l'ONU ont fait état de préoccupations concernant le travail forcé en Chine, y compris au Xinjiang.
Ce pays a déposé le 12 août les instruments de ratification des deux conventions fondamentales de l'OIT sur le travail forcé, ce qui - selon cette organisation - «crée un nouvel élan pour la coopération avec le gouvernement et les partenaires sociaux afin de suivre ces questions (et) de combattre le travail forcé». Cela signifie, a expliqué Guy Ryder, que la Chine «va commencer à informer sur la situation des Ouïgours et cela nous donnera des possibilités nouvelles d'accès». Mais il a reconnu que la discussion sur le Xinjiang n'était «pas facile».