Corée du Sud: des chercheurs affirment avoir développé un supraconducteur à température ambiante
La possible découverte d’un matériau supraconducteur à température ambiante agite autant le milieu scientifique que le public, en raison des implications que cela aurait pour le stockage et le transport de l’électricité.
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Une équipe de chercheurs sud-coréens annonce avoir réussi à développer un supraconducteur à température et à pression ambiantes. Leurs travaux n’ont pas encore été évalués par les pairs, mais si les résultats sont validés, ils pourraient ouvrir la voie à une production massive de ces matériaux, dont les propriétés changeraient véritablement la donne dans de nombreux secteurs d’activité.
Le supraconducteur est un matériau, qui comme son nom l’indique, conduit l’électricité sans aucune résistance, et expulse tout champ magnétique. Contrairement aux matériaux conducteurs traditionnels, dans lesquels les électrons entrent en collision avec les atomes vibrants du réseau cristallin, le courant y circule sans dissipation d’énergie. Cette caractéristique laisse entrevoir des avancées sans précédent dans de multiples domaines, tels que les ordinateurs quantiques, les véhicules en lévitation, les technologies médicales ou autres.
Problème : à l’heure actuelle, on ne peut obtenir la supraconductivité qu’à des températures extrêmement basses. Proches de ces dernières, les vibrations atomiques sont quasiment réduites à néant, proches du zéro absolu (- 273,15 °C). Ceci s’avère donc peu adapté à un usage « pratique » de ces matériaux. Atteindre de telles températures nécessite un équipement particulièrement coûteux. En outre, cela demande aussi de grandes quantités d’énergie pour maintenir ce refroidissement sur la durée. Un matériau supraconducteur à température ambiante changerait donc grandement la donne.
Des conditions difficiles à mettre en œuvre
Dans les équipements et installations électriques conventionnels (câbles d’alimentation, lignes à haute tension, antennes, etc.), on perd une grande partie de l’énergie électrique. En effet, les matériaux conducteurs qu’on utilise affichent une certaine résistance. Depuis la découverte de la supraconductivité au début du 20e siècle, l’intérêt pour ces matériaux sans résistance est donc croissant. Ils pourraient véritablement révolutionner toute l’industrie, en diminuant à la fois les coûts économiques et la consommation énergétique.
C’est pourquoi les supraconducteurs – découverts pour la première fois en 1911 par le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes – font l’objet de recherches intensives dans le monde entier. Les scientifiques ont beaucoup progressé ces dernières années. Plusieurs équipes ont en effet réussi à développer des supraconducteurs à des températures plus élevées, se rapprochant toujours un peu plus de la température ambiante. Depuis la fin des années 1980, on a identifié de nombreux supraconducteurs de la famille des cuprates (constitués de couches d’oxyde de cuivre). Certains atteignent la température critique de 135 K (-138,15 °C) à pression normale.
En octobre 2020, Elliot Snider de l’Université de Rochester de New York, et ses collègues, ont annoncé avoir obtenu une supraconductivité à température ambiante (mais à très haute pression) dans de l’hydrure de soufre et de carbone. Ils ont initialement publié leur étude dans Nature, mais elle a finalement été rétractée en 2022. En 2021, l’équipe a présenté les résultats de nouvelles recherches. Ils ont réussi à synthétiser un superhydrure d’yttrium supraconducteur à environ 262 K (environ -11 °C) et 182 GPa.
Cette valeur est nettement inférieure aux quelque 267 GPa nécessaires pour le supraconducteur à température ambiante qu’ils avaient développé précédemment. Malgré tout, elle demeure encore beaucoup trop élevée pour des applications pratiques. Ainsi, même si on réalise des progrès significatifs en termes de température, on ne résoud que partiellement le problème. Il est en effet tout aussi difficile d’atteindre et de maintenir des pressions aussi extrêmes.
Un matériau supraconducteur « dopé » au cuivre
Aujourd’hui, une équipe de chercheurs sud-coréens affirme avoir synthétisé un matériau supraconducteur fonctionnant à la fois à température ambiante et à pression atmosphérique. Près de 20 ans de recherche au Centre des Nanosciences Quantiques de Séoul ont été nécessaires pour mettre au point ce matériau. Ce dernier, baptisé LK-99, est à base d’apatite de plomb. Les chercheurs ont toutefois apporté quelques modifications à la structure initiale. Ils ont substitué, par voie chimique, une partie des ions plomb (Pb2+) par des ions cuivre (Cu2+).
Cette structure unique semble conférer au LK-99 les propriétés tant attendues à pression et température ambiantes. « La supraconductivité de LK-99 est prouvée avec la température critique, la résistivité nulle, le courant critique, le champ magnétique critique et l’effet Meissner », annoncent les auteurs. Ces derniers relatent avoir utilisé plusieurs techniques d’analyse pour caractériser la supraconductivité de LK-99 : diffraction des rayons X, spectrométrie de photoélectrons X, résonance paramagnétique électronique, capacité thermique et données d’un dispositif d’interférence quantique supraconducteur (SQUID).