Des scientifiques dévoilent la première photo d'un trou noir supermassif au cœur de la Voie lactée
Des scientifiques ont dévoilé la première image du trou noir supermassif au cœur de la Voie Lactée, Sagittarius A*, qui doit son nom à sa détection dans la direction de la constellation du Sagittaire.
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Par-delà le Soleil, à des millions de milliards de kilomètres de la Terre, un géant invisible absorbe les particules de lumière de notre Voie Lactée. Tout être s’en approchant de trop près serait immédiatement attiré, puis piégé. Nichée dans le centre galactique, région mystérieuse autour de laquelle notre astre tourne à plus de 800 000 km/heure, cette bête massive, soupçonnée d’être le métronome de notre monde, vient d’être observée pour la première fois.
Ce jeudi, le consortium scientifique international Event Horizon Telescope (EHT) a en effet dévoilé la toute première photographie du centre de notre galaxie. Fruit de la collaboration de plus de 300 scientifiques ce document constitue « la première preuve visuelle directe » de la présence d’un trou noir supermassif en plein cœur de notre ilot d’étoiles.
Ce halo de lumière autour d’une région sombre concrétise plus d’un demi-siècle d’essais et d’erreurs scientifiques depuis l’identification des premiers signaux émanant du centre de la Voie lactée, en 1974. Etonnamment similaire à la première image de trou noir publié en 2019 par l’EHT, l’image confirme les prédictions de la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, un siècle plus tard.
Une quête cinquantenaire
« C’est l’aboutissement d’une quête de plus de 50 ans pour déterminer ce qu’il y a au centre de la galaxie. Arriver à photographier ce trou noir est une grande fierté », se félicite Vincent Piétu, astronome à l’IRAM, membre de l’EHT et cosignataire de l’étude retraçant cette découverte, publiée ce jeudi dans The Astrophysical Journal Letters.
Pour rendre l’invisible visible, l’EHT a mobilisé simultanément huit observatoires astronomiques dispersés à travers le monde. Un des nombreux télescopes utilisés, celui de l’Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM), un organisme financé par CNRS (France), la Max-Planck-Gesellschaft (Allemagne) et l’Instituto Geografico Nacional (Espagne), a fourni « les images les plus nettes, contribuant ainsi de manière décisive », à l’exploit, grâce à son antenne de 30 mètres, souligne le CNRS.
En avril 2017, durant une dizaine de nuits, les scientifiques ont enregistré la lumière émanant des électrons incandescents qui gravitent autour de Sagittarius A*, une masse équivalente à quatre millions de fois le Soleil, soupçonnée d’être un trou noir. « L’orbite des étoiles autour du centre de la Voie lactée indiquait la présence d’un objet massif dans une région très petite. En théorie, seuls les trous noirs présentent ces caractéristiques, mais il nous en fallait la preuve », relate Vincent Piétu.
Durant cinq ans, les chercheurs se sont échinés à développer une image nette du disque d’accrétion - le halo, visible à l’image. La matière qui le compose circule à grande vitesse, autour du trou noir. Pour la détecter, il faut un long temps de pose et des milliers d’essais : « On photographie un chiot qui se mord la queue et qui fait 5 tours sur lui-même pendant qu’on appuie sur le déclencheur », illustre le spécialiste des disques protoplanétaires.
Une avancée majeure
Un siècle après la publication des travaux d’Albert Einstein, ses équations ont fonctionné : « Nous avons été stupéfaits de voir à quel point la taille de l’anneau correspondait aux prédictions de la théorie de la relativité générale d’Einstein », a déclaré le scientifique du projet EHT, Geoffrey Bower, de l’Institut d’astronomie et d’astrophysique de l’Academia Sinica à Taipei, dans un communiqué.
Avec ce cliché, les scientifiques vont comparer Sagittarius A* avec son cousin provenant de la galaxie M87. Mille fois plus grand, cet autre trou noir est le premier jamais photographié. L’enjeu ? Découvrir pourquoi ces géants semblent se loger au cœur de chaque galaxie et les réguler : « Ces observations sans précédent ont considérablement amélioré notre compréhension (…) et offrent de nouvelles perspectives sur la façon dont ces trous noirs géants interagissent avec leur environnement », a également indiqué Geoffrey Bower.
Obtenir cette preuve visuelle de la présence d’un trou noir au centre de la galaxie constitut une étape historique. Sans une coopération internationale hors normes, elle n’aurait pas existée : « On doit cette découverte à la mise en commun de multiples instruments technologiques et de diverses compétences. Elle réunit des chercheurs du monde entier. Nous n’aurions pas eu ce résultat seuls », souligne Vincent Piétu, à l’heure où la guerre fait son retour sur le continent européen. Prochaine étape ? Faire de ces images un film.