La Chine envoie ses opposants en hôpitaux psychiatriques
Un rapport de l’ONG Safeguard Defenders, publié le 16 août, montre que 99 opposants ont été hospitalisés entre 2013 et 2021 par l’Etat.
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Dans la Chine maoïste, les opposants envoyés par l’Etat en hôpital psychiatrique portaient un nom : « ceux que l’on rend mentalement malades ». Le système avait même été institutionnalisé en 1988 avec la création des « ankang », des hôpitaux psychiatriques directement gérés par le ministère de la sécurité publique. Toutefois, des lois promulguées en 2012 et en 2013 sur les droits des malades étaient supposées avoir mis fin à ces détentions arbitraires. Il n’en est rien.
Un rapport de l’ONG Safeguard Defenders, publié le 16 août, montre non seulement que ces enfermements d’opposants en dehors de toute procédure judiciaire existent toujours, mais que nombre d’hôpitaux psychiatriques gérés par le ministère de la santé participent à ce système contraire au droit chinois et international. L’ONG, installée à Madrid, a identifié 99 victimes, hospitalisées contre leur gré entre 2013 et 2021 dans 109 hôpitaux répartis dans plus de 20 provinces. Elles ne sont que « la partie émergée de l’iceberg », affirme l’ONG.
Parmi les victimes identifiées, 14 sont des militants politiques et 80 de simples pétitionnaires : des Chinois sans engagement politique, mais qui ont un jour osé se plaindre d’une injustice ou d’un fait de corruption. Soixante-dix n’ont subi qu’une seule hospitalisation et, dans la majorité des cas, celle-ci a duré moins de six mois. Mais certains sont des « multihospitalisés » et restent enfermés plusieurs années. Ainsi, le cauchemar de Jiang Tianlu a débuté en 2004, quand cet homme a dénoncé les officiels qui avaient battu son père à mort – et en public – après que celui-ci eut dénoncé leur corruption. Depuis, Jiang Tianlu ne sait même plus exactement combien d’hospitalisations il a subies. Sans doute sept. La dernière est intervenue en janvier 2021. Il a été arrêté alors qu’il accompagnait sa fille de 7 ans à l’école. Jiang Tianlu affirme avoir été attaché à son lit, battu et drogué à son insu.
Le record d’hospitalisations revient sans doute à Gu Xianghong, une femme internée à une vingtaine de reprises depuis 1999 après avoir été battue par la police. Plusieurs témoignages font état d’électrochocs et d’autres formes de torture. C’est ce qu’aurait subi Dong Yaoqiong ; cette jeune fille vivant à Shanghaï a, en juillet 2018, jeté de l’encre sur un portrait du président Xi Jinping et dénoncé la « dictature » chinoise sur les réseaux sociaux. Arrêtée, elle restera enfermée dans un hôpital psychiatrique jusqu’en novembre 2019. Selon son père, elle en est ressortie souffrant d’une forme de démence due aux médicaments antipsychotiques prescrits par l’hôpital. De nouveau hospitalisée en mai 2020, elle en sort deux mois plus tard, encore plus malade, ayant perdu le contrôle de son système urinaire et souffrant de terreurs nocturnes. Selon Safeguard Defenders, son père a indiqué en février 2021 que la jeune femme a de nouveau été hospitalisée et le serait encore aujourd’hui.
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