Au Royaume-Uni, Boris Johnson prépare ses adieux...pour mieux revenir ?
Le Premier ministre britannique sortant Boris Johnson a promis mardi 6 septembre d'apporter son "fervent soutien" à Liz Truss, qui va lui succéder, lors de son dernier discours en tant que chef du gouvernement. "C'est fini les amis", lancé Boris Johnson avant de s'envoler pour Balmoral (Ecosse) où il va présenter officiellement sa démission à la reine Elizabeth II.
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Le Premier ministre britannique sortant Boris Johnson a promis mardi 6 septembre d'apporter son "fervent soutien" à Liz Truss, qui va lui succéder, lors de son dernier discours en tant que chef du gouvernement. "C'est fini les amis", lancé Boris Johnson avant de s'envoler pour Balmoral (Ecosse) où il va présenter officiellement sa démission à la reine Elizabeth II.
Un dernier discours. Et puis s’en va. Boris Johnson a franchi une ultime fois le seuil du 10 Downing Street, mardi matin. “Lui qui a toujours fait de l’optimisme débordant un thème central de son action, il est sorti au moment où le soleil automnal inondait la rue”, s’est quelque peu emporté le journaliste à l’antenne de BBC News.
Devant la résidence des Premiers ministres britanniques, au cœur de Londres, le conservateur a remercié ses équipes. Puis défendu son bilan, de la mise en œuvre du Brexit au succès de la campagne de vaccination anti-Covid en passant par le triomphe historique de son parti aux législatives de 2019. Il a aussi souhaité bon courage à sa successeure, Liz Truss. Et assuré le futur gouvernement de son entier soutien.
“Elle était bizarre cette hallucination collective de 1 139 jours, non ?” soupire, avec son sarcasme habituel, le tabloïd Daily Star. “En tout cas, c’est la fin d’une erreur.” Au panthéon des Premiers ministres, Boris Johnson “restera comme l’un des plus sulfureux”, enchaîne The Guardian, analyses d’historiens à l’appui. “Jamais le parti conservateur n’avait connu chef aussi frivole. Un Néron des temps modernes, complète Alistair Cooke, historien officiel des conservateurs auprès du journal de gauche. Jamais disposé à travailler autant qu’il le faut pour diriger un gouvernement efficace.” Son mandat à la tête du gouvernement s’achève dans une myriade de scandales, certes, “mais jusque dans la tourmente, il réussissait encore à s’ériger en guide moral sur la guerre en Ukraine et à rassembler l’Occident contre Vladimir Poutine, préfère retenir The Daily Telegraph. Il laissera un vide dans la vie politique britannique.”
Faire une Churchill
Boris Johnson le jure, ses ambitions politiques ont quitté le Number 10 avec lui. “Me voilà comme une fusée qui a terminé ce qu’elle avait à faire, a-t-il assuré devant la porte la plus célèbre de la capitale. Je vais maintenant rentrer doucement dans l’atmosphère pour aller sombrer incognito dans un coin perdu du Pacifique.”
Pourtant, les spéculations autour d’un futur retour sur le devant de la scène politique vont bon train outre-Manche. Alimentées par ses proches sur la scène politique, d’ailleurs. “Ils assurent qu’il n’a pas encore totalement fait son deuil du pouvoir, et qu’il nourrit l’ambition d’un come-back politique”, relate le Financial Times.
“Johnson [pourrait s’inspirer de] sir Winston Churchill, son modèle, qui après avoir perdu les élections de 1945 avait fait un retour retentissant au 10 Downing Street, cinq ans plus tard.”
Bras de fer entre journaux
Chaque chose en son temps. D’abord, le Premier ministre déchu va redevenir un backbencher, comme sont appelés les députés ordinaires de la Chambre des communes (assis sur les backbenches, les “bancs du fond”). “Certains alliés l’encouragent même à démissionner, pour qu’il évite la commission d’enquête parlementaire chargée de déterminer s’il a menti aux députés à propos des fêtes organisées à Downing Street pendant le confinement”, précise le journal économique.
En parallèle, “Johnson raconte à ses amis que les enchères autour de lui grimpent à Fleet Street [l’artère londonienne historique des journaux britanniques]”. Lui, l’ancien rédacteur en chef de l’hebdomadaire The Spectator, l’ex-chroniqueur star du Daily Telegraph (payé 250 000 livres par an), pourrait rapidement retrouver une place lucrative dans les colonnes de la presse conservatrice. Possiblement grâce au Daily Mail, fidèle soutien de son action gouvernementale, en particulier sur le Brexit. Après tout, “il va bien falloir qu’il pense à ses finances, souligne The Sunday Times. Il aurait depuis longtemps des problèmes d’argent, et si son divorce avec son ex-femme a été réglé, il a plusieurs enfants à charge”, dont deux avec son épouse actuelle, Carrie Johnson. Dans ce contexte, “il devrait aussi tirer profit, comme tous les anciens Premiers ministres, de ces mannes bien connues que sont les conférences grassement payées et les généreux à-valoir des maisons d’édition”, complète le Financial Times.
Un certain Cincinnatus…
“Quoi qu’il fasse, il sera sans aucun doute tenté par un retour à l’écriture”, insiste The Daily Telegraph. En terminant de rédiger, par exemple, sa biographie de William Shakespeare. “Jamais depuis Margaret Thatcher, les mots d’un ancien Premier ministre ne vont être scrutés avec autant d’attention.” À la recherche du moindre commentaire sur l’action du gouvernement de Liz Truss. Ou du début d’indice quant à d’éventuelles futures intentions politiques. Devenuministre des Affaires étrangères après avoir échoué dans sa quête du pouvoir en 2016, finalement entré à Downing Street dans le sillage d’une démission de son poste de chef de la diplomatie, “il est coutumier des retours improbables”, rappelle The Daily Telegraph.
Dans son discours d’adieu, “celui qui avait tout bonnement l’air d’être l’homme le plus heureux du Royaume-Uni, tout bronzé après ses vacances en Slovénie, a cité Cincinnatus, relève le site d’information en ligne UnHerd. Comme Wikipédia l’a appris à tous ceux qui regardaient l’événement, cet ancien consul romain retiré de la vie politique était régulièrement rappelé à la rescousse par ses anciens collègues.” Tout sauf une coïncidence. Sur le perron du 10 Downing Street, le mardi 6 septembre, Boris Johnson “a sans aucun doute lancé sa campagne pour redevenir Premier ministre”.