Royaume-Unis : Boris Johnson sur le départ
Le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui s'accrochait jusqu'ici au pouvoir, aurait fini par accepter le principe d'une démission, selon plusieurs médias britanniques.
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« Perdre l'un de ses parents peut être regardé comme un malheur. Perdre les deux ressemble à de la négligence » : le Premier ministre britannique Boris Johnson pourrait faire sien cet aphorisme d'Oscar Wilde dans la comédie L'Importance d'être constant. Après la démission simultanée et inattendue mardi soir de son ministre des Finances, Rishi Sunak, et de son collègue de la Santé, Sajid Javid, le chef du gouvernement est plus vulnérable que jamais. D'autant que d'autres leur ont emboîté le pas. Mercredi matin, ce sont Will Quince, secrétaire d'État chargé de l'Enfance et de la Famille, et Laura Trott, assistante auprès du secrétaire d'État aux Transports, qui ont annoncé leur départ.
Pour le grand argentier inquiet du déficit géant des finances publiques, le locataire du 10 Downing Street est déterminé à dépenser sans compter et à réduire l'impôt en vue d'aider le public confronté à la hausse drastique du coût de la vie. Pour sa part, le ministre de la Santé a mis en exergue les scandales en série qui ont ébranlé l'équipe au pouvoir. En particulier, Javid a critiqué la décision de Boris Johnson de désigner comme numéro deux chargé de la discipline du groupe parlementaire tory Chris Pincher, accusé d'attouchements sexuels. Le Premier ministre a présenté ses excuses, un geste qui est arrivé trop tard. Will Quince estime, lui, qu'il n'avait « pas le choix » après avoir répété « de bonne foi » dans les médias des éléments fournis par les services du Premier ministre « qui se sont révélés inexacts ».
Les ministres ont pris le relais du vice-président du parti, Oliver Dowden, un fidèle parmi les fidèles, qui a brutalement rendu son tablier le mois dernier en critiquant le manque d'intégrité morale du chef de la droite.
Certes, Downing Street a eu beau jeu de souligner que les deux ministres démissionnaires mardi soir sont déconsidérés. Le chancelier de l'Échiquier ne s'est jamais remis des révélations sur le statut d'exilé fiscal de son épouse richissime. Quant à Javid, il n'a pas réussi à sortir le service national de la santé de sa plus grave crise depuis sa fondation en 1945.
Quels sont les arguments invoqués par Johnson pour s'accrocher à son poste ?
L'intéressé peut se targuer de son triomphe électoral du 12 décembre 2019 qui a débouché sur la plus grande majorité depuis les années 1930 grâce à la capture de bastions travaillistes dans le Nord et les Midlands. Il entend mettre également à l'avant-plan son soutien militaire ferme à l'Ukraine, le règlement du Brexit et le succès de la campagne de vaccination contre le Covid.
Ensuite, à l'écouter, les difficultés qu'affronte aujourd'hui le pays transcendent les scandales à répétition qu'il traîne à ses guêtres. Au vu des problèmes économiques (récession probable, inflation à deux chiffres…) comme politiques (forces centrifuges en Écosse et en Irlande du Nord) venant se greffer sur la guerre en Ukraine, la continuité au sommet de l'exécutif est une priorité.
Les anti-Johnson répliquent que les précédents historiques ne jouent pas en faveur du chef du gouvernement. Plusieurs de ses prédécesseurs (Asquith en 1916, Churchill en 1945 et Thatcher en 1990) avaient été contraints de quitter le pouvoir alors que le pays, qui traversait une grave crise économique, était en guerre.
Autre argument, se défaire de Johnson ne peut qu'amener les travaillistes, sous la houlette de Keir Starmer, au pouvoir. Les torys contestataires soulignent que seule l'arrivée d'un nouveau Premier ministre pourra rétablir la fortune de la droite lors du prochain scrutin général qui doit avoir lieu au plus tard à la fin 2024. Après la cuisante défaite essuyée lors des deux élections partielles du 23 juin due au scandale du Partygate, les fêtes organisées au 10 Downing Street pendant le confinement, le leader conservateur a touché le fond de l'impopularité. Les frondeurs estiment que les chances de limiter les dégâts sont plus grandes « sans Boris » qu'« avec Boris ».
Aussi, même si « BoJo » s'est créé beaucoup d'ennemis et n'a pas de véritables amis dans son propre camp, aucun prétendant officiel à sa succession ne s'impose à ce stade.
Après sa victoire sur le fil lors du rejet de la motion de censure déposée début juin par les rebelles, l'hôte du 10 Downing Street dispose théoriquement d'une année devant lui avant qu'un nouveau vote de confiance du Parti conservateur ne puisse avoir lieu. La situation semble donc verrouillée. Mais certains estiment qu'au vu des circonstances exceptionnelles, l'élection d'un nouveau bureau des députés conservateurs avant les vacances pourrait changer la donne et provoquer une nouvelle procédure en interne.
Johnson a été surpris par la défection de deux hommes liges qui, à ses yeux, étaient incapables de se rebeller. Il a eu tort. Mais avec son aplomb habituel, le Premier ministre est fidèle à lui-même : bien que les pronostics de survie lui soient à présent défavorables, il a choisi de se battre jusqu'au bout. En remplaçant sur-le-champ les partants par deux loyalistes, le Premier ministre a colmaté les brèches. Mercredi, le Premier ministre a assuré vouloir « continuer » le mandat qui lui a été confié, lors d'une séance hebdomadaire de questions au Parlement particulièrement électrique. « Le travail d'un Premier ministre dans des circonstances difficiles, quand un mandat colossal lui a été confié, est de continuer, et c'est ce que je vais faire », a-t-il ajouté. Pour combien de temps ?