L’enquête a été menée par Al Haq, une ONG palestinienne de défense des droits de l’homme, et par Forensic Architecture, un groupe de recherche britannique utilisant des techniques et des technologies architecturales pour enquêter sur les violences commises par des États. Elle démontre que le tir meurtrier qui a atteint la journaliste vedette d’Al Jazeera en mai dernier, « était un tir délibéré », et non pas une bavure de l’armée.
Par des vidéos inédites, des témoignages de journalistes qui accompagnaient Shireen Abu Akleh, une cartographie de la zone du drame à l’aide d’un drone, une analyse sonore des tirs et une reconstitution en 3D, la nouvelle enquête retrace, seconde par seconde, la tragédie qui a coûté la vie à la journaliste d’Al Jazeera.
Tirer pour tuer
La reconstitution en 3D nous embarque dans le blindé israélien, positionné à 200 mètres des journalistes. Elle nous plonge dans la lunette de visée du tireur d'élite israélien. Cette lunette de visée permet un zoom x 4, selon des informations rendues publiques par l’armée elle-même. On aperçoit alors exactement ce que le militaire avait dans sa ligne de mire : des individus avec des gilets pare-balles, sur lesquels apparaît la mention « press » en anglais. Il n’y a aucune erreur d’identification possible.
Et pourtant, le tireur ouvre le feu à plusieurs reprises. Shireen Abu Akleh est touchée à la tête. Son collègue, Ali Samoudi, est atteint dans le haut du dos. Tous les autres impacts de balles relevés sur la scène de crime sont à hauteur d’homme. En jargon militaire, cela s’appelle « shoot to kill », « tirer pour tuer ».
Quel est l’intérêt d’Israël de cibler des journalistes ? C’est le reporter Ali Samoudi, lui-même blessé ce jour-là qui y répond : « Israël n’accorde aucune valeur à la vie des Palestiniens. Si nous n’étions pas journalistes pour un média international, notre mort n’aurait ému personne. »
RFI