Xi Jinping en Arabie saoudite : la Chine désormais au Moyen-Orient
Mohammed ben Salmane a accueilli le président chinois Xi Jinping à Riyad, le 8 décembre. La Chine et l’Arabie saoudite ont signé une vingtaine d’accords dans les domaines des énergies et de la pétrochimie.
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Xi Jinping est à Riyad, en Arabie saoudite. Il a été reçu en grandes pompes, ce jeudi 8 décembre, par le prince héritier Mohammed Ben Salman. La Chine et l’Arabie saoudite ont signé une vingtaine d’accords pour un montant de plus de 27,8 milliards d'euros, notamment dans les domaines des énergies et de la pétrochimie.
Xi Jinping doit participer à deux réunions de haut niveau avec une trentaine de dirigeants de pays de la région. Il s’agit, d’après Pékin, « du plus grand rendez-vous diplomatique entre la Chine et le monde arabe ». Le sinologue Emmanuel Lincot, professeur à l'Institut catholique de Paris et chercheur associé à l'Iris, décrypte les enjeux de cette visite.
RFI : C'est seulement le deuxième déplacement de Xi Jinping hors de Chine depuis que la pandémie de Covid-19 a éclaté. Pourquoi choisit-il l'Arabie saoudite ?
Emmanuel Lincot : Cette visite au Moyen-Orient vise à relancer les relations bilatérales entre l’Arabie saoudite et la Chine, et c’est évidemment la question pétrolière qui est abordée par les deux chefs d'État. Il s'agit aussi pour Ben Salman de redorer son blason et de montrer aux Occidentaux qu'il reste un interlocuteur extrêmement important. Il faut se souvenir qu’il y a quelques semaines, il avait reçu très froidement son homologue américain, Joe Biden.
Pour les Chinois, il s'agit aussi de relancer leur politique des « nouvelles routes de la soie » : projets d'infrastructures diverses, coopération numérique, et volonté d'élargir l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), à l'intégration, en tant que membre observateur, de l'Arabie saoudite. Les Chinois ont aussi choisi d'ouvrir un sommet Chine et monde arabe, et un sommet Chine et pays du Golfe. Et ce, pour ne pas s'aliéner la grande puissance qui compte, et avec laquelle les Chinois ont signé des accords commerciaux d'un montant de 400 milliards de dollars. Il s'agit bien naturellement de l'Iran.
Vu d'Occident, le monde arabe n'est pas le terrain d'influence le plus naturel pour la Chine en termes d'investissement, de notoriété, de présence diplomatique. Pékin a-t-il encore un handicap à combler vis-à-vis de la présence occidentale dans la région ?
E. L. : La Chine est très présente dans la région, au moins depuis la fin officielle de la Guerre froide, depuis les années 1990. Les relations économiques n'ont cessé de se développer, et pas seulement dans le domaine pétrolier, puisqu'il y a des projets de coopération dans le domaine du numérique, voire dans le développement du nucléaire civil ou de la coopération militaire. C'est une façon de créer une sorte de glacis eurasien, pour faire en sorte que les Occidentaux soient de plus en plus marginalisés de ce jeu.
La cause ouïghoure ne vient-elle pas perturber ce projet ? Est-ce que les persécutions subies par les minorités musulmanes en Chine peuvent freiner les ambitions de Xi Jinping au Proche-Orient ?
E. L. : Il y a un décalage absolument abyssal. Il est piquant de voir que les Occidentaux condamnent les exactions chinoises en les taxant de génocide contre les Ouïghours, alors que rien n'est dit par ces mêmes Occidentaux sur les persécutions, par exemple, des chrétiens de Chine. Dans le même temps, les États musulmans ne condamnent absolument pas la Chine. Ce qui compte avant tout pour les chefs d'État arabes en particulier, c'est la réalité des chiffres : douze millions d'Ouïhgours, certes persécutés, ne font pas le poids face aux milliards de projets de coopération économique entre la Chine et l'Arabie saoudite.
Ce qu’il ne faut pas oublier non plus, c’est que la famille régnante en Arabie saoudite est la garante des lieux saints comme La Mecque. Or, pour Xi Jinping, entreprendre une visite d'État à Riyad, c'est par là même être reconnu comme une puissance incontournable. Et réciproquement, reconnaître la légitimité même de Ben Salman en tant que gardien de ces lieux saints. Il s'agit tout simplement de couper l'herbe sous le pied des Ouïghours, de leurs défenseurs, et notamment, même si cela n'est pas dit publiquement, des quelques voix isolées qui se sont insurgées dans le monde musulman face aux exactions perpétrées contre les Ouïghours.