Quatre hommes de la mouvance néonazie sont jugés jusqu’au 30 juin, accusés de projets criminels, notamment contre des mosquées.
C'est une première. Lundi, le procès de quatre hommes de la mouvance néonazie soupçonnés de projets criminels, notamment contre des mosquées, s'est ouvert devant la cour d'assises des mineurs de Paris, qui a décidé de lever le huis clos. « La cour considère qu'il importe de lever la publicité restreinte des débats », a indiqué le président Christophe Petiteau, après une brève suspension de cette audience criminelle qui constitue une première pour l'ultradroite.
« J'ai un moment de ma vie où j'ai été radicalisé » à la suite des attentats islamistes de 2015, a reconnu Alexandre Gilet depuis le box des accusés, à l'ouverture de ce procès. « J'ai envisagé des projets de violence. Mais je me sentais pas psychologiquement en capacité de passer à l'acte », a ajouté l'ancien gendarme volontaire, en tee-shirt noir, bouc et mèche sur le côté.
Un document semblant annoncer « un attentat pour le 13 novembre 2018 »
D'après l'accusation, les hommes, aujourd'hui âgés de 22 à 28 ans, imprégnés de l'idéologie d'« extrême droite néonazie », participaient à un forum privé, nommé « projet WaffenKraft », sur lequel leurs discussions avaient « très rapidement dérivé vers l'élaboration de projets terroristes sous l'impulsion d'Alexandre Gilet », le « plus radical et plus motivé » du groupe.
Outre les discussions en ligne, l'enquête a mis en évidence des achats d'arme, dont trois fusils semi-automatiques, des recherches d'informations sur des cibles potentielles comme des mosquées parisiennes ou le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), et une rencontre pour s'entraîner au tir dans la région de Tours, à l'été 2018.
Dans les écrits d'Alexandre Gilet, alors gendarme adjoint volontaire dans la région de Grenoble, des messages où il se félicite des actions du « croisé Breivik », en référence à l'extrémiste de droite norvégien Anders Behring Breivik, qui avait tué 77 personnes en juillet 2011. Les enquêteurs retrouvent aussi un document inachevé, « Reconquista Europe – Opération croisée », « qui semble annoncer un attentat pour le 13 novembre 2018 », cinq ans après les attentats de Paris et Saint-Denis, et dit vouloir viser « des lieux fréquentés par des islamistes » et « les traîtres marxistes communistes ».
Tous affirment ne pas avoir voulu passer à l'acte
Ses trois coaccusés, qui comparaissent libres sous contrôle judiciaire, admettent une implication moindre. Julien, 22 ans aujourd'hui, en tee-shirt blanc et tennis, évoque ainsi « des discussions racistes et antisémites », mais assure qu'il ne voulait pas « prendre part à des actions ». « Je n'ai jamais voulu faire du mal à qui que ce soit », a aussi affirmé Gauthier Faucon, étudiant de 25 ans, en costume bleu et chemise blanche.
Evandre Aubert, 28 ans, avoue « avoir participé à des forums de discussion sur Internet », mais affirme n'avoir eu « aucune intention terroriste ». « J'ai essayé d'empêcher que ça se passe », avance même l'accusé, barbe et chemise bleue, étudiant et veilleur de nuit dans un hôtel.
Le représentant du Parquet national antiterroriste a aussi fait valoir que l'accusé concerné, Julien (prénom modifié), n'était « pas l'accusé principal » à ses yeux et qu'il ne présentait pas « des aspects de personnalité qui rendent indispensable d'en préserver la divulgation ».
L'avocate du jeune homme, Modestie Corde, s'était opposée à cette analyse, indiquant qu'il était « certes majeur » aujourd'hui, mais qu'il souffrait de « pathologies » psychiques qui en faisaient « une personne vulnérable ». Un procès public l'exposerait « à des représailles conséquentes », avait-elle aussi fait valoir.
Les autres avocats de la défense s'étaient aussi opposés à la levée du huis clos, Fanny Vial, avocate d'Alexandre Gilet, 27 ans aujourd'hui, estimant qu'un procès sans public aurait permis à ces « jeunes majeurs qui ont du mal à s'exprimer sur leur parcours de vie » de mieux « s'expliquer », et Olivia Ronen, avocate d'Evandre Aubert, 28 ans, mettant en garde contre une « tendance à gommer la spécificité du droit des mineurs ». Le procès doit durer jusqu'au 30 juin.
Le Point