Professeur de sciences politiques à l’Open Université d’Israël, Denis Charbit analyse les dernières prises de position de Benyamin Netanyahu dans la guerre à Gaza. Le Premier ministre israélien a promis en début de semaine d'intensifier l'offensive, annonçant une guerre « longue ». Dans la presse américaine ce mardi, le dirigeant israélien pose ses conditions pour la paix : la destruction du Hamas, la démilitarisation de la bande de Gaza et la « déradicalisation » des Palestiniens qui y vivent.
RFI : Lundi 25 décembre, à la Knesset, Benyamin Netanyahu a été chahuté par des proches des 129 otages israéliens toujours retenus à Gaza. Le jour suivant, le mot « otage » ne figure pas dans la tribune qu’il signe dans les colonnes du Wall Street Journal. Qu’est-ce que cela signifie ?
Denis Charbit : Que pour lui cela reste secondaire. C’est la raison d’État qui parle, sacrifiant – et je pense qu’il en est conscient – le contrat moral qui associe toute famille israélienne à l’État. C'est-à-dire : « nous sommes prêts à sacrifier nos vies pour l’État d’Israël, à condition que l’État d’Israël fasse tout pour sauver les vies ». Pour lui, c'est l’intérêt national qui prime. Il explique qu’intensifier les combats pousse le Hamas à négocier. Cela s’est vérifié une première fois [avec la trêve et l’échange de fin novembre ayant permis la libération de 105 otages kidnappés par le Hamas contre 240 prisonniers palestiniens détenus en Israël] mais il ne semble pas que cela se vérifie maintenant.
Au total, 156 soldats israéliens ont été tués au combat depuis le début de l’offensive terrestre fin octobre. Ces pertes peuvent-elles peser sur l’opinion israélienne ?
Le bilan des pertes israéliennes sera jugé en fonction de la réalisation de la fin annoncée. Il y a un consensus en Israël sur la fin : l’éradication du Hamas. Après le 7 octobre, les Israéliens ont dit « il faut y aller ». Si cela est atteint, alors tous les moyens seront considérés a posteriori comme justifiés et justifiables. Tant les pertes civiles du côté palestinien que les pertes militaires du côté israélien. Si en revanche cet objectif militaire et politique n’est pas réalisé, il est clair qu’il y aura un désarroi profond : « nos enfants ne sont-ils pas morts en vain ? »
Au-delà de ses déclarations sur une intensification de l’offensive et sur une guerre « longue », Benyamin Netanyahu joue-t-il aussi sa survie politique ?
Une fois la guerre terminée, même s’il y a éradication du Hamas, les jours de Netanyahu sont comptés. Sa responsabilité est mise en cause. Les familles des otages et des soldats israéliens lui diront : « tu as réglé le problème du Hamas, il est temps de partir ». Par morale publique. Je ne crois pas qu’il prolonge la guerre pour se maintenir au pouvoir… Enfin, je l’espère ! Du jour où la guerre est terminée — quelqu’en soit le résultat –, Netanyahu, c’est fini. Et le Likoud [le parti de droite du Premier ministre israélien] saura trouver un autre leader pour refermer ce chapitre.
RFI