Guerre au Yémen : trois entreprises françaises visées par une plainte pour « complicité de crimes de guerre »
Une plainte a été déposée ce jeudi matin 2 juin à Paris par plusieurs ONG Sherpa, Mwatana for Human Rights et ECCHR, une première et a visé trois entreprises d'armement françaises.
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« Il faut briser la chaîne de l'impunité », explique Abdul Rasheed Al Faqih de l'organisation de défense des Droits humains yéménite Mwatana. L'homme explique que son ONG a documenté un millier de raids aériens menés par la coalition qui soutient le pouvoir yéménite face aux rebelles. Des attaques ayant coûté la vie à 3 000 civils et fait 4 000 blessés, selon Mwatana. La plainte déposée ce jeudi à Paris vise trois entreprises françaises du secteur de l'armement qui, parmi leurs clients, comptent l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, deux pays en guerre au Yémen.
« La première, c’est Dassault Aviation, ça concerne l’exportation et la maintenance de Mirage vers les Émirats arabes unis dont on sait qu’ils sont utilisés dans le cadre du conflit au Yémen. C’est à peu près 59-60 Mirage sur une flotte aérienne des Émirats d’entre 130 et 150 avions, explique Cannelle Lavite, du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'homme (ECCHR). On parle ensuite MBDA France et MBDA UK qui produisent de manière conjointe des bombes et des missiles appelés Storm Shadow et SCALP qui sont, eux aussi, d’après les informations que l’on a, utilisées par la coalition au Yémen. Et enfin, on parle de Thales qui, elle, produit des pods de guidage, de précision, déployés par les missiles et les bombes et qui sont, eux aussi, d’après nos informations, utilisés au Yémen depuis 2015. »
Complices des crimes de guerre et contre l'humanité ?
Les entreprises qui vendent des armes peuvent-elles être complices des crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par leurs clients ? « Oui », estime aussi Cannelle Lavite, du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'homme (ECCHR). « Les entreprises ont leur propre responsabilité de faire leur évaluation des risques et elles font du commerce avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis depuis des années, ce sont leurs partenaires privilégiés, dit-elle. Donc, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles aient eu connaissance de tous ces rapports abondants et constants internationaux qui documentent les violations de la coalition au Yémen systématique. Elles ne devraient plus ignorer à ce jour que leurs exportations peuvent mener à une responsabilité éventuellement pénale. »
Ce que l’on sait aussi, estiment les ONG, c’est que « les frappes aériennes de la coalition, depuis 2015, c’est la cause majeure de décès civils et que pour faire des frappes aériennes, il faut des avions, des bombes et des pods de désignation. Donc, en exportant tous ces matériels à la coalition, ces entreprises ont peut-être facilité la commission de ces crimes de guerre ou potentiels crimes contre l’humanité également, donc ça, ça pourrait se traduire en complicité ».
Les ONG qui portent plainte attendent désormais l'ouverture d'une enquête par la justice française. La trêve entre la rébellion des Houthis et les forces gouvernementales a été reconduite au Yémen. Elle est entrée en vigueur le 2 avril dernier. Un cessez-le-feu qui intervient après 7 années de guerre.