Yémen : l'Arabi saoudite a dépensé 100 millions de dollars en lobbyistes pour blanchir ses crimes
L'Arabie saoudite a dépensé 100 millions de dollars au cours de la guerre de 7 ans au Yémen pour vous faire croire qu'elle n'est pas agresseur.
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Tout au long de la guerre, les arguments saoudiens ont « blanchi » les faits sur le terrain. Le Royaume a dépensé plus de 100 millions de dollars en lobbyistes et en spécialistes des relations publiques aux États-Unis pour y parvenir et pour maintenir les ventes d’armes.
Selon un mémoire du Dr Annelle Sheline, chargée de recherche sur le Moyen-Orient à l’Institut Quincy, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a effectué plus de 24 600 raids aériens depuis le début de la guerre en 2015, ce qui souligne la nature asymétrique de la guerre menée au Yémen. Dans son mémoire, Sheline note que plus de 9 000 civils yéménites ont été tués dans des raids aériens de la coalition saoudienne, contre 59 civils saoudiens tués par des attaques transfrontalières des Houthis – ce qui met un terme au récit selon lequel, d’une manière ou d’une autre, cette guerre est justifiée au nom de l’autodéfense.
Le Yemen Data Project, une organisation à but non lucratif qui recueille des données sur la guerre au Yémen, a constaté que la coalition dirigée par l’Arabie saoudite avait effectué environ 700 frappes aériennes en février 2022.
Cependant, la plupart des Américains sont béatement ignorants des transgressions saoudiennes au Yémen et ailleurs, et c’est voulu.
Dans de nombreux cas, les frappes aériennes saoudiennes responsables de la mort de civils ont été précédées ou suivies de points de discussion des lobbyistes saoudiens vantant les améliorations du ciblage, l’engagement des Saoudiens en faveur de la paix ou les efforts humanitaires saoudiens au Yémen.
Depuis des années, le lobby saoudien a amassé une armée de lobbyistes, dont d’anciens membres du Congrès, qui présentent la guerre au Yémen comme une mission humanitaire. Le 20 janvier 2022, par exemple, Tripp Baird de Off Hill Strategies a distribué une lettre aux bureaux du Congrès qui pointait du doigt les rebelles houthis pour justifier l’escalade. Baird a fait le lien avec une conférence de presse au cours de laquelle Ned Price, le porte-parole du département d’État, a condamné les attaques des Houthis pour justifier leur réponse massivement disproportionnée.
« Les Houthis soutenus par l’Iran sont responsables de la prolongation des souffrances du peuple yéménite », insiste leur courriel. Baird a conclu la lettre en décrivant l’Arabie saoudite comme « déterminée à instaurer une paix durable au Yémen ». Le lendemain, l’Arabie saoudite lançait une attaque aérienne contre un centre de détention à Saada, qui a fait 91 morts parmi les civils, dont trois enfants qui jouaient dans un champ voisin.
La bombe à guidage laser utilisée dans cette attaque a été fabriquée par Raytheon Technologies. Quelques jours à peine après l’attentat, le 5 janvier, le PDG de Raytheon a célébré la montée des tensions au Moyen-Orient lors d’une conférence téléphonique sur les résultats avec les investisseurs en déclarant : « Nous voyons, je dirais, des opportunités pour les ventes internationales. »
L’équipe de lobbyistes de Raytheon n’a pas peur de saisir ces opportunités. D’après les informations qu’elle a fournies au quatrième trimestre dans la base de données Senate Lobbying Disclosure, Raytheon a dépensé 2,7 millions de dollars pour faire du lobbying auprès du Congrès sur toute une série de questions, notamment contre une résolution conjointe qui désapprouverait la vente de produits fabriqués par Raytheon au Royaume [saoudien, NdT].
Il ne s’agit pas d’une anomalie. Le 12 mars 2021, une frappe aérienne a tué 18 personnes dans un quartier résidentiel de Maqbanah. Le 15 mars, soit trois jours plus tard, le cabinet Hogan Lovells a distribué des lettres réaffirmant « l’engagement inébranlable du Royaume pour parvenir à la paix au Yémen », dont beaucoup ont été envoyées par l’ancien sénateur Norm Coleman. Ce même jour, les frappes aériennes ont connu un pic notable, avec 178 raids aériens et jusqu’à 12 à 15 frappes par raid.
Quelques semaines plus tard, le 7 mai 2021, une frappe aérienne a touché une zone résidentielle, tuant 11 civils à Sirwah. Le 11 mai 2021, Hogan Lovells a distribué une lettre affirmant que l’Arabie saoudite soutenait une « résolution pacifique du conflit au Yémen ». Même pas une semaine plus tard, une frappe aérienne sur un centre médical a tué sept autres civils.
Les lobbyistes au service de l’Arabie saoudite ont régulièrement diffusé des informations prétendant que le Royaume souhaitait la paix, alors même que les frappes aériennes meurtrières s’intensifiaient, et ils ont trouvé une oreille attentive à Washington. Alors que le président Biden a un jour qualifié l’Arabie saoudite de « paria », son administration a récemment approuvé de nouvelles ventes d’armes au Royaume et aux alliés de la coalition comme les Émirats arabes unis. Des déclarations comme celle de Price sont toutes les munitions dont les lobbyistes ont besoin pour faire valoir leurs arguments au Capitole et auprès de l’administration.
L'Arabie saoudite veut que vous pensiez qu’elle n’est pas l’agresseur, et elle a payé grassement pour faire passer ce message aux États-Unis. Mais la réalité est très différente du tableau brossé par ces lobbyistes, car les raids aériens de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont tué des milliers de civils, détruit des infrastructures et prolongé le blocus au cœur d’une crise humanitaire qui a fait près d’un demi-million de morts. Aucune somme d’argent ou aucun lobbyiste ne peut changer cette réalité, mais mettre fin au soutien américain à la campagne dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen le peut.