Grèves au Royaume-Uni : Mick Lynch, le syndicaliste qui incarne le renouveau du mouvement social outre-Manche
Principal meneur des grèves géantes qui ont affecté les chemins de fer britanniques tout au long de l'été, le secrétaire général du syndicat des transports est devenu la coqueluche de la société médiatique outre-Manche.
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« Je ne suis pas marxiste, je suis socialiste et syndicaliste et ce que je fais ici, c'est conduire une grève avec de lourds enjeux industriels qui impactent directement nos emplois, nos conditions de travail et nos salaires ».
Totalement inconnu il y a encore quelques semaines, le dirigeant du syndicat du rail âgé de 60 ans, la voix posée et le verbe haut, s'est d'abord fait remarquer par son franc-parler dans les médias : « Franchement, c’est ça le niveau de vos interviews ? » et sa manière de remettre en place ses interlocuteurs, journalistes et hommes politiques compris, en maniant humour très anglais et autodérision : « Et vous avez une autre idée que la grève ? Je peux lancer l’idée d’un corps à corps à l’ancienne si vous voulez, car ça fait deux ans qu’on négocie, franchement je suis ouvert à vos idées ».
Mike Wayne, professeur des médias à l’Université Brunel de Londres, note : « Pour commencer, il a souvent un rictus aux lèvres devant les caméras de télévision et il est imperturbable, ce qui a son importance car les médias essaient toujours de le piéger. Il est très doué pour démonter toutes les hypothèses les plus farfelues et montrer du doigt les vrais problèmes, ce qui le rend très populaire auprès du grand public qui affronte l’insécurité économique de tous les jours. Les gens apprécient son franc-parler et la façon dont il évoque une réalité dont les médias et les politiques ne parlent plus. C’est comme s’il s’exprimait avec la voix des travailleurs. »
Né de parents immigrés irlandais, Mick Lynch a grandi avec quatre frères et sœurs dans une banlieue de l’ouest de Londres dans un logement qu'il qualifie lui-même de taudis. Pour autant, son récit est loin d'être misérabiliste.
« Selon lui, le fait d'être issu de la classe ouvrière, (ne fait peser) ni stigmate ou opprobre, nous expliqueMarc Lenormand, maître de conférences en études anglophones et civilisation britannique à l'université Paul Valéry de Montpellier... Pour lui, c’est une enfance heureuse, dans une famille soudée, à l’encontre de cette représentation des classes populaires, des familles populaires, comme des familles dysfonctionnelles, comme des familles vivant dans la misère. Lui, ce n’est pas du tout ça, ce n’est pas du tout son identité ouvrière, son identité d’enfant des classes populaires de l’immigration irlandaise, ce n’est pas une identité miséreuse dont il se serait en quelque sorte émancipé. »
Électricien de formation, le jeune Mick Lynch arrête l'école à 16 ans pour travailler dans la construction. Il entre plus tard chez Eurostar, dont il gravira les échelons et où il fonde une branche du syndicat du rail, le RMT, dont il devient en 2021 le secrétaire général.
« En fait, il s’inscrit dans une lignée de secrétaires généraux du RMT, qui est un syndicat combatif. Il est en quelque sorte le continuateur d’une tradition syndicale. Mais, nuance Marc Lenormand, s’inscrit aussi dans une génération de dirigeants syndicaux qui, en ce moment, affirment aussi une forme d’autonomie des organisations syndicales par rapport au parti travailliste. » Après l’éclipse des syndicalistes de la scène médiatique, « Il y quelque chose d’intéressant dans ce retour sur la scène politique, médiatique et même culturelle des syndicalistes », conclut-il.
Le leader syndical ne se revendique ni comme un révolutionnaire ni comme un porte-voix des travailleurs, « tout ce que je veux dans la vie, dit-il, c'est un peu de socialisme ».