Baisse à l'ouverture des Bourses européennes, la Banque du Japon a surpris
TOKYO (Reuters) - La Banque du Japon (BoJ) a décidé mardi de maintenir ses objectifs de taux "très bas" inchangés tout en annonçant des mesures pour rendre son programme d'assouplissement quantitatif (QE) plus flexible.
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Pourquoi la Banque du Japon garde ses taux bas, alors qu'aux États-Unis, en Europe, en Angleterre ou encore en Australie, les banques centrales ont au contraire augmenté leurs taux pour tenter de calmer l'inflation ?
Guillaume Dejean : Le Japon a été immunisé contre les tensions sur les approvisionnements en provenance de Chine, mais aussi contre la flambée des prix de l’énergie. Ce qui fait que l’inflation au Japon est certes croissante, qu’elle suit la dynamique globale, mais elle n'est qu’à 3,7%, alors qu’aux États-Unis elle est montée à 7,7% et à 10,1% en zone euro. Le deuxième point, c'est que les Japonais ont toujours peur de déflation, et que cette peur ralentit les décisions de la banque centrale. Il faut néanmoins y ajouter un contexte mondial un peu plus instable. Le résultat est qu’on a gardé une politique monétaire accommodante pour pouvoir à la fois soutenir l’économie nipponne et contrôler la montée de l’inflation.
Des débats commencent toutefois à émerger face à cette poussée d’inflation inédite au Japon. On commence à se dire qu’il y a peut-être un sérieux problème sur les prix, qu’il va falloir résoudre. Et aussi que la politique ultra-accommodante comme par le passé est peut-être déconnectée de la réalité économique.
RFI : Il s’agit quand même de la troisième économie mondiale. Pourquoi les Bourses, à commencer par celle de Tokyo, réagissent mal ?
Guillaume Dejean : Justement à cause du poids de l’économie nipponne dans l’économie mondiale. Les marchés attendaient depuis longtemps un geste de la part des banquiers japonais. Mais ils ne s’attendaient certainement pas à ce que cela arrive en cette fin d’année. La surprise était totale. Et maintenant, les investisseurs anticipent d’autres décisions qui pourraient intervenir en 2023. Ils se disent : si la Banque du Japon commence à ajuster sa politique monétaire aujourd’hui, cela veut dire qu’une première hausse des taux pourrait suivre.
De l’autre côté, il ne faut pas oublier que le Japon est l’un des plus gros créanciers au monde. C’est le plus gros détenteur étranger de dette aux États-Unis (avant la Chine), mais aussi en France ou en Australie. Ce qui fait que si les taux d’intérêt remontent au Japon, ils seront plus attractifs aux yeux des investisseurs japonais. Ils vont commencer à acheter la dette souveraine japonaise. Et pour cela, ils vont avoir besoin d’argent. Le risque est que les capitaux nippons quittent ces pays étrangers et qu’ils se déplacent vers le Japon.
L’importance d’une telle sortie de capitaux n’est pas purement anecdotique. Au Japon, ils existent de gros fonds de pension, notamment des fonds qui paient leurs retraites aux Japonais. Jusqu’ici, les rendements au Japon étant minimes, les gérants de ces fonds de pension se tournaient vers des actifs étrangers. Si demain, la Banque du Japon remonte ses taux, ils pourraient se tourner vers des actifs locaux. Tout dépendra de la nouvelle politique monétaire qui pourrait changer plus rapidement que prévu.
RFI : Et pourquoi cela ?
Guillaume Dejean : En avril 2023, un nouveau gouverneur devrait être nommé à la tête de la Banque du Japon. Il y a des chances que ce nouveau patron choisisse une politique un peu moins accommodante et qu’il procède à une première hausse des taux. Ce changement possible est à présent anticipé par les marchés. Avec, incontestablement, un effet de spéculation sur le yen, la monnaie japonaise, devenue à nouveau attractive.