Une commission parlementaire suisse a rejeté, vendredi 6 mai, les demandes de révision des règles relatives au secret bancaire, remises en question à la suite des révélations en février d’une enquête menée par des dizaines d’organisations médiatiques du monde entier, dont Le Monde, sur les comptes du Credit Suisse.
Après avoir entendu les arguments du secteur bancaire et des experts en matière de criminalité financière et de droits des médias, les membres de la commission ont rejeté l’appel à modifier la loi, explique un communiqué du Parlement. « La majorité de la commission [n’a pas jugé] nécessaire d’intervenir sur le plan législatif », a-t-elle précisé.
La commission de l’économie et des redevances du Conseil national, la chambre basse du Parlement suisse, avait été invitée à examiner les demandes de révision de la législation après la publication en février de la vaste enquête « Suisse Secrets ». Elle révélait que le Credit Suisse, la deuxième plus grande banque du pays, avait hébergé des fonds de clients sulfureux pendant plusieurs décennies. Le Credit Suisse a catégoriquement rejeté les « allégations et insinuations » de l’enquête.
L’article 47 au cœur des débats
L’enquête a également mis en lumière l’article 47 de la loi suisse sur les banques, qui fait de la révélation de fuites de données bancaires un délit passible de cinq ans de prison. Selon les experts, cette loi de 2015 réduit au silence les journalistes qui pourraient vouloir dénoncer des actes répréhensibles au sein d’une banque suisse. Ainsi, si quarante-huit entreprises de presse du monde entier ont participé à l’enquête des « Suisse Secrets », aucun média suisse n’y a pris part en raison du risque de poursuites pénales.
La commission parlementaire a souligné les progrès effectués par les banques suisses ces dernières années en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et d’autres crimes économiques. Aujourd’hui, les pratiques des banques suisses « correspondent aux normes internationales », précise la déclaration.
Elle a également mis en garde contre le fait qu’une modification de la loi pourrait entraîner « des accusations publiques ciblant les particuliers », sans donner plus de détails. Les membres de la commission ont par ailleurs souligné qu’« aucun journaliste n’a[vait] été condamné jusqu’ici par un tribunal pour une violation de l’article 47 de la loi sur les banques ».
LeMonde