L’Egypte esquisse un vaste plan de privatisations
De nouveau acculé par une crise financière, déclenchée cette fois par la guerre russe en Ukraine, l’Egypte a annoncé il y a quelques jours un plan de privatisation.
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Une nouvelle fois acculée par une crise financière, déclenchée cette fois par la guerre russe en Ukraine, l’Égypte a annoncé il y a quelques jours un plan de privatisations. Le projet suscite beaucoup d’attentes et d’interrogations, car ce n'est pas la première fois que le Caire promet des privatisations. Sans jamais passer à l'action. Il y a de quoi faire : 400 entreprises égyptiennes sont publiques d’après la Banque mondiale, dont une soixantaine sous la coupe de l’armée. C'est une spécificité égyptienne.
La grande muette est un acteur discret et omnipotent de l’économie locale. Le Premier ministre a annoncé la privatisation d’une dizaine de sociétés seulement, dont deux appartiennent aux militaires. Dans un second temps, les 7 plus grands ports du pays et ses meilleurs hôtels devraient être cotés en bourse. L’État prévoit aussi d’étendre son contrôle dans les chemins de fer, la gestion du canal de Suez, la banque et l’assurance.
Amorce de changement mais pas encore le démantèlement d’un secteur très décrié par les bailleurs
Il y a un an, les experts du FMI ont pour la première fois suggéré de privatiser toutes les sociétés publiques rentables et de fermer les canards boiteux. Dans leur dernier rapport, ils pointent du doigt les piètres performances financières de ces entreprises. Celles qui sont dans le giron de l’armée bénéficient d'avantages exclusifs décourageant la concurrence privée. Elles ne paient pas de droits de douane et ne sont pas soumises à l’impôt.
Elles profitent aussi de la main d’œuvre bon marché des conscrits. Il arrive aussi que ces militaires reconvertis dans les affaires abusent aussi de leur pouvoir. Safwan Thabet, le propriétaire de la plus grande entreprise laitière du pays, croupit en prison pour avoir refusé de céder ses parts aux militaires. Un environnement pas vraiment favorable à l'essor des initiatives privées.
Depuis que le maréchal Sissi est arrivé au pouvoir, les généraux ont accru leur mainmise sur l’économie
C’est une façon d’acheter leur loyauté et de leur procurer des revenus substantiels, faute de pouvoir leur verser des traitements convenables. Ils sont présents dans des activités très variées : cela va de l’alimentation, une société militaire détient par exemple le monopole de la restauration scolaire, à la fourniture des médicaments en passant par les télécom ou la gestion des zones industrielles. Quand il est appelé à l'aide en 2016, le fonds réclame déjà à l’Égypte un programme de privatisation pour assainir cette économie de rente. En vain.
Mais cette fois, la pression est beaucoup plus forte, car la situation financière du Caire s'est brutalement dégradée avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. La guerre a fait grimper la facture des importations d'hydrocarbures et de blé, une céréale essentielle pour l'Égypte. Le premier importateur mondial achète 60% de ses besoins à l'étranger. 80% provient des deux pays en guerre.
Le tourisme, déjà éreinté par la crise du Covid, souffre aussi de l'absence des visiteurs russes ou ukrainiens
Ils représentent 40% de sa clientèle habituelle. C'est donc une précieuse source de devises qui se tarit. Résultat l’inflation flambe, elle est aujourd’hui à 15%. Et les capitaux étrangers se sont évaporés. Ils sont partis vers des marchés plus sûrs et redevenus plus rentables. Grâce à ces privatisations, le gouvernement égyptien compte encaisser 10 milliards de dollars par an jusqu’en 2026.
Cette perspective devrait faciliter les négociations avec le FMI pour obtenir un troisième plan de sauvetage en six ans. Les détails seront scrutés avec attention par les bailleurs. Et aussi par les pays du Golfe également appelés à la rescousse. Ils ont promis 15 milliards de dollars, à condition de pouvoir investir dans les fleurons que le Caire voudra bien leur céder.
Il n'empruntera plus que la bagatelle de 13 milliards de dollars au lieu des 25 milliards prévus dans le premier plan de financement. Une annonce qui a fait bondir l'action de 5% dans les échanges électroniques, après la fermeture de la bourse américaine.