Charles III : les défis du roi détesté britanique
Charles III prend les rênes de la monarchie britannique avec une réputation personnelle éclaboussée par les scandales.
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« La reine est morte ! » Les sujets de la couronne britannique, toutefois, ne jubilent pas en y accrochant des « Vive le roi ! ». Peut-être n’y a-t-il jamais eu, dans toute l’histoire britannique, un prince aussi prêt que Charles à porter la couronne. À l’inverse, le nouveau roi est peut-être aussi celui que les sujets veulent le moins voir sur le trône.
« L’opinion publique est indifférente par rapport à lui. C’est comme un acteur de soutien, indique Diane Pacom, professeure émérite de sociologie à l’Université d’Ottawa. Il est un faire-valoir sans relief. Ce que nous retenons de lui, c’est surtout la débâcle de son mariage, les problèmes, la honte. »
À 73 ans, Charles III prend les rênes de la monarchie britannique avec une réputation personnelle éclaboussée par les scandales. Au cours des dernières années, son fils Harry a quitté le giron de Buckingham, non sans écorner le clan Windsor en alléguant le racisme de certains de ses membres à l’endroit de son épouse, américaine et métisse.
Le prince Andrew, son frère, a lui aussi sali les beaux habits de la royauté en se dépêtrant maladroitement de son amitié avec Jeffrey Epstein, qui a été condamné pour une sordide histoire de crimes sexuels impliquant des enfants avant de s’enlever la vie en prison.
Le fantôme de Diana
C’est pourtant son propre passé qui risque de le rattraper aux balbutiements de son règne. « Sa vie et ses déboires des années 1990 reviendront sans aucun doute le hanter », affirme Joe Little, rédacteur en chef du Majesty Magazine de Londres. Son image d’abord ternie par sa séparation de Lady Di, en 1992, puis par la révélation de sa relation adultère avec Camilla Shand, en 1996, Charles trouve, encore aujourd’hui, peu de grâce aux yeux de l’opinion publique. « Vingt-cinq ans après la mort de Diana, plusieurs croient que Camilla et lui ont contribué à son décès tragique. »
La monarchie britannique n’a plus la prestance d’autrefois, constate M. Little. « C’est désormais devenu un soap opera. Au début de son règne, la jeune Élisabeth II jouissait de l’empathie du monde entier. Aujourd’hui, Charles prend le pouvoir à presque 74 ans, au moment où le respect pour la monarchie a, en grande partie, disparu. »
La défunte reine, « par son attitude digne, faisait oublier les scandales de la famille royale », souligne Samir Saul, professeur au Département d’histoire de l’Université de Montréal. Son fils, maintenant roi, sera incapable de tenir ce rôle.
« Pour avoir de l’autorité morale, un monarque doit jouir d’une certaine affection au sein du peuple. Pour Charles, poursuit le professeur, cette affection n’existe pas. Je dirais même qu’il commence avec un négatif à cet égard. »
Régner dans l’instabilité
Charles III prend les clés de Buckingham au moment où son royaume traverse d’importantes turbulences. « Inflation galopante, chômage menaçant, crise sociale qui risque d’exploser à tout moment » : la liste des déboires britanniques dressée par Samir Saul est longue. « Sans oublier la guerre en Ukraine, qui déstabilise l’Europe ! » d’ajouter le professeur.
C’est dans ce contexte qu’un nouveau roi accède à la tête de l’institution royale – et qu’une nouvelle première ministre, Liz Truss, prend en main la destinée du Royaume-Uni. La fortune de Charles III dépendra largement, selon M. Saul, des décisions prises par cette dame dite très à droite, inspirée par Margaret Thatcher et va-t-en-guerre.
« C’est elle qui gère, et elle doit maintenant gérer l’ingérable », ajoute le professeur de l’Université de Montréal. L’automne, selon lui, s’annonce déjà « difficile et dangereux » pour les Britanniques.
Dans une situation où la famille royale perd du lustre, où la vénérable reine n’est plus et où son fils ne peut aspirer au prestige de sa mère en raison d’une vie étalée à pleines pages dans la presse à potins et romancée à souhait — et pas toujours de façon flatteuse — par des séries immensément populaires comme The Crown, il est probable que le royaume dont Charles III hérite aujourd’hui se trouve passablement amoindri au moment où il cédera la couronne.
« D’ici 5 ou 10 ans, c’est possible que des pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Jamaïque ou même le Canada décident de repenser la situation qui prévaut à la tête de leur pays », analyse Joe Little, du Majesty Magazine.
« Ce serait une conséquence de la faiblesse de son autorité morale », assène Samir Saul.
Tout aussi lapidaire, Diane Pacom estime que Charles III ne pourra qu’imiter sa mère. « Avec la mort d’Élisabeth II, c’est une autre lumière du monde qui s’éteint. Son fils ne brillera jamais aussi fort qu’elle, conclut-elle. C’est impensable ! »