Le célèbre catalogue d’étoiles d’Hipparque, père de l’astronomie moderne, enfin découvert !
Avec ses collègues Peter Williams (Tyndale House, Grande-Bretagne) et Emmanuel Zing (Sorbonne Université), le jeune chercheur du Centre Léon Robin de recherches sur la pensée antique (CNRS) vient de mettre au jour un extrait inédit du mythique catalogue d’étoiles d’Hipparque, qui a vécu de 190 à 120 avant notre ère.
Table of Contents (Show / Hide)
Astronomes et historiens des sciences cherchent depuis des siècles une trace ou une référence directe au catalogue d'étoiles d'Hipparque. Rédigé par l'astronome grec, entre -170 et -120 avant notre ère, il s’agit de la plus ancienne tentative connue dans l’histoire de l’humanité de déterminer précisément les positions des étoiles fixes en leur associant des coordonnées numériques. "Ce texte a été remplacé dans la tradition manuscrite par le catalogue d’étoiles contenu dans l'Almageste de Claude Ptolémée. Le catalogue d’étoiles de Ptolémée était la principale source utilisée jusqu’à présent pour reconstruire celui d’Hipparque. Mais rien n’indiquait exactement la manière dont Ptolémée avait utilisé les travaux de son illustre prédécesseur. Ce qui était problématique, à tel point que l’existence même du catalogue d’Hipparque pouvait susciter le doute", explique Victor Gysembergh du Centre Léon Robin de recherche sur la pensée antique. Doute aujourd'hui définitivement levé grâce à quelques lignes presque effacées retrouvées sur des parchemins issus du monastère de Sainte Catherine, en Egypte.
Un palimpseste qui abrite des secrets
Ces parchemins composent le Codex Climaci Rescriptus, un manuscrit chrétien datant du Moyen Âge, rédigé sur des feuillets bien plus vieux et effacés pour être réutilisés, ce que les spécialistes nomment des palimpsestes. Une pratique courante à l'époque qui visait à diminuer le coût de production des livres. Mais l'ancien texte n'a pas totalement disparu et certains folios ont révélé l'existence d'un poème grec, Les Phaenomena d'Aratos de Soles écrit 300 ans avant notre ère, avec, parmi les éléments de commentaire de ce poème, des fragments du catalogue d’Hipparque. Plus précisément une référence à la constellation de la Couronne Boréale et les coordonnées des étoiles à ses extrêmes nord, sud, est et ouest, comme l'expliquent les chercheurs dans un article publié dans le Journal for the History of Astronomy.
Pour révéler ces annotations cachées et probablement couchées sur parchemin au 5e ou au 6e siècle après J.-C., les chercheurs de l’Early Manuscripts Electronic Library, en Californie, du Lazarus Project et du Rochester Institute of Technology ont utilisé l'imagerie multispectrale. Une technique qui consiste à mesurer la lumière renvoyée par un objet à différentes longueurs d’onde du spectre électromagnétique, au moyen d’éclairages artificiels et de capteurs à haute dynamique. "C'est une technique parfaitement non invasive et reproductible qui permet de lire ces écrits effacés par ponçage, grattage ou lavage. Elle pourrait être appliquée à de nombreux autres manuscrits et révéler des découvertes inattendues", explique Victor Gysembergh.
Les coordonnées d'étoiles découvertes permettent également de trancher une controverse relative à un catalogue établi plusieurs siècles plus tard : celui de Ptolémée. Certains spécialistes, depuis des siècles, considèrent que Ptolémée n'a fait que copier le catalogue d'Hipparque. "On peut désormais affirmer que c'est faux, les coordonnées des constellations ne sont pas les mêmes dans les deux ouvrages", raconte Victor Gysembergh. Ptolémée n'est pas un plagiaire, en revanche ses mesures sont moins précises que celles de son lointain prédécesseur.
D'autres découvertes à venir
La totalité des folios du Codex Climaci Rescriptus n'a pas encore été traitée et d'autres éléments pourraient apparaître grâce à l'imagerie multispectrale. Ils permettront, peut-être, d'en savoir un peu plus sur l'œuvre d'Hipparque. Au-delà du savant grec, cette technique est en passe de révéler plusieurs autres témoignages du passé comme un texte de Ptolémée découvert dans un palimpseste à Milan ou un extrait du dialogue de Platon retrouvé dans un manuscrit à Vérone. Et des milliers d'autres palimpsestes attendent d'être examinés. "Avec à chaque fois l'espoir de découvrir un manuscrit fidèle à l'original. Malheureusement, ce sont des manipulations qui coûtent, sont parfois difficiles à mettre en place et demandent du temps", avertit Victor Gysembergh. Pour poursuivre ses recherches, il bénéficie déjà de financements de la mairie de Paris et de Sorbonne Université.