Sophie Adenot et Arnaud Prost, deux Français dans la nouvelle promotion d’astronautes de l’Agence spatiale européenne
Cette promotion de l'Agence spatiale européenne, choisie parmi près de 23.000 candidats, succède à celle de 2009 qui avait suscité un véritable engouement pour l'aventure spatiale chez les jeunes Européens.
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Le film L’Etoffe des héros (1983) mettait en scène les débuts héroïques de l’histoire du vol habité, emmenés avec panache par une poignée de pilotes d'essais américains conduits par la passion, l’audace et la curiosité. Sophie Adenot et Arnaud Prost, les deux nouveaux astronautes français intronisés à Paris ce 23 novembre 2022 à l’issue du conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne (ESA) sont définitivement de la même trempe !
Les deux Français ont été sélectionnés avec 15 autres astronautes issus des Etats membres après avoir subi durant plusieurs mois une batterie de tests établis en vue de départager les 22.523 candidats initiaux. Les 17 finalistes savaient depuis deux semaines qu’ils faisaient partie du dernier round de sélection. Mais ce n’est que ce mercredi matin qu’ils ont finalement appris qui allait être promu astronaute de carrière, les autres appartenant désormais au groupe des astronautes de réserve. Donc, les cinq élus sont Sophie Adenot (France), Pablo Alvarez Fernandez (Espagne), Rosemary Coogan (Grande-Bretagne), Raphaël Liégeois (Belgique) et Marco Sieber (Suisse). Ils constituent la nouvelle promotion d’astronautes européens, qui va dans les prochaines semaines rejoindre le Centre d’entraînement de Cologne et la promotion 2009 dont fait partie Thomas Pesquet. Il est probable que les nations d’origine des astronautes sélectionnés ont été choisies pour compléter et diversifier la sélection de 2009, qui comprend deux Italiens (Luca Parmitano et Samantha Cristoforetti) et deux Allemands (Alexander Gerst et Matthias Maurer).
Sophie Adenot dit avoir été inspirée dès le plus jeune âge par Marie Curie
Sophie Adenot est à ce jour lieutenant-colonel de l’armée de l’Air et de l’Espace. Bourguignonne de naissance, elle indique avoir été inspirée dès le plus jeune âge par la carrière de Marie Curie. Mais c’est la mission Cassiopée menée en 1996 par l’astronaute Claudie Haigneré qui constitue, dit-elle, un véritable déclic : "J’avais 14 ans à l’époque. Jeune adulte, j’ai arpenté les salons aéronautiques du Bourget pour l’apercevoir. Lorsque la sélection a été finalisée, Claudie Haigneré m’a appelée pour me féliciter. Elle ne sait pas combien elle a compté dans ma motivation pour devenir astronaute. Sans elle, je ne serai pas ici aujourd’hui". Claudie Haigneré est la première femme astronaute française. Sophie Adenot sera maintenant la seconde.
La jeune femme de 40 ans est issue d’une lignée d’aïeux férus de sciences et de technologies. Son arrière-grand-père, l’ingénieur sidérurgiste Jacques Adenot, a œuvré à la mise au point d’un alliage de fer et de nickel, l’Invar, travaux qui ont obtenu en 1920 un prix Nobel de Physique attribué à Charles-Édouard Guillaume. Le robot Persévérance de la Nasa, qui arpente aujourd’hui le cratère martien Jezero, est constitué en partie de ces alliages conçus dans la ville nivernaise d’Imphy. Son grand-père, mécanicien dans l'Armée de l'air, lui a transmis sa passion du vol aérien : "Il me donnait aussi à lire des coupures de presse pour attiser ma curiosité et m’intéresser aux technologies. J’ai ensuite été accompagnée par des professeurs qui m’ont permis au fil du temps d’affirmer ma confiance".
La nouvelle astronaute française est ensuite devenue ingénieure aéronautique et a œuvré à la conception des cockpits des hélicoptères H225M Caracal de transport militaire pour Airbus. En 2018, elle est la première femme pilote d’essai sur hélicoptères en France au sein de la Direction générale de l’armement (DGA) et à ce titre affiche quelques 3.000 heures de vol, qui l’ont notamment menée en Afghanistan.
Arnaud Prost a décroché son brevet de pilote de chasse en 2020
Et maintenant ? "C’est un grand saut dans l’inconnu, reconnaît-elle. Mais je ne pense pas à la globalité du défi. Je m’attache aux étapes, qu’il faut vivre l’une après l’autre. Je retourne à l’école, pour un entraînement de base qui commencera au printemps prochain". Sophie Adenot ne devrait pas avoir d’assignation à un vol spatial avant 2026. Thomas Pesquet a rappelé à cette occasion qu’il avait "patienté sept ans avant d’aller dans l’espace. Cela peut être frustrant".
La patience, c’est une qualité qu’affiche déjà Arnaud Prost, 30 ans, désormais astronaute de réserve. Cela signifie qu’il va continuer ses activités au sein de la DGA en tant qu’ingénieur de l’armement et pilote du corps technique militaire. Il devra se maintenir en bonne forme physique pour passer l’épreuve de visite médicale annuelle de l’ESA. Et si de nouvelles opportunités spatiales s’ouvrent, il pourrait rejoindre les rangs des astronautes de carrière. Le jeune homme, qui connaît déjà Sophie Adenot dont il suit les traces académiques, explique avoir grandi avec les valeurs et l’esprit d’équipe du rugby. Et être cantonné pour le moment sur le banc de touche de l'équipe spatiale ne génère pas trop de frustration. D’autant, indique-t-il, qu’il est passé plusieurs fois au cours de son parcours estudiantin et professionnel sur les traces de Sophie Adenot, ce qui lui a plutôt réussi.
Diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’école d’ingénieurs de l’Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace Supaero, titulaire d’un master en astrophysique, sciences spatiales et planétologie de l’université Paul Sabatier de Toulouse, il a d'abord travaillé pour la Comex (Compagnie maritime d’expertises) à Marseille sur le programme Moonwalk, un équipement destiné à l'entraînement des astronautes sous l’eau. Il devient à cette occasion plongeur professionnel. Après avoir rejoint la DGA en 2017, il est chargé notamment de travailler sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le combat aérien et le développement des simulateurs de vol. Il obtient finalement son brevet de pilote de chasse en 2020 et est affecté depuis cet été au centre d’essais en vol d’Istres. Il a par ailleurs effectué un stage de recherche à l’Institut de physique nucléaire Skobeltsyn en Russie, dont il a pratiqué la langue.
Lors de la présentation effervescente de la nouvelle promotion des astronautes européens à Paris, ces deux personnalités attachantes ont affiché un calme et une assurance prometteurs pour leurs futures missions spatiales.