Russie : Gorbatchev a enterré, sans lustre et sans Poutine
L'ex-dirigeant de l'Union soviétique Gorbatchev, disparu mardi dernier à 91 ans, a été enterré au cimetière de Novodievitchi à Moscou sans la présance du président russe Vladimir Poutine.
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L'ex-dirigeant, disparu mardi dernier à 91 ans, a été enterré au cimetière de Novodievitchi à Moscou, au côté de son épouse Raïssa, décédée en 1999, pendant qu'un orchestre militaire jouait l'hymne national russe, a constaté l'AFP. Plus tôt, la dépouille de cette figure politique majeure du XXe siècle avait été exposée dans la Maison des syndicats, un lieu emblématique de Moscou où les funérailles de plusieurs dirigeants de l'URSS ont été célébrées, notamment celles de Joseph Staline en 1953.
Une longue file de gens s'était formée dans la matinée pour rendre hommage à Gorbatchev. Cette grande figure politique du XXe siècle aura marqué l'Histoire en précipitant, malgré lui, la disparition de l'empire soviétique en 1991, alors qu'il essayait de le sauver avec des réformes démocratiques et économiques, mettant ainsi fin à la Guerre froide.
Dans un contexte de répression et de repli croissants en pleine intervention militaire de Moscou en Ukraine, certains Russes présents aux funérailles se souviennent avec nostalgie de l'ouverture sous Gorbatchev. «Nous avons eu une bouffée de liberté, il nous a donné la transparence et le pluralisme», souligne Natalia Leleko, une enseignante de 60 ans. C'était «un air de liberté qui manquait depuis longtemps, l'absence de peur», abonde Ksenia Joupanova, une interprète de 41 ans. «Je suis contre le fait de se couper du reste du monde, je suis pour l'ouverture, le dialogue».
Salué par l'Occident et certains Russes comme un homme de paix, Gorbatchev est aussi vu par beaucoup dans son pays comme le responsable du déclassement géopolitique de Moscou et des années de crise qui ont suivi la chute de l'URSS. Signe de malaise devant cet héritage ambivalent, aucun jour de deuil national n'a été annoncé. Surtout, les funérailles se déroulaient en l'absence de Vladimir Poutine, le Kremlin mettant en avant un «emploi du temps» chargé.
Le premier ministre hongrois Viktor Orban, proche du Kremlin, est le seul dirigeant étranger à s'être rendu à Moscou, où il s'est incliné devant la dépouille de Gorbatchev, a constaté l'AFP. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a présenté ses condoléances lors d'un entretien téléphonique samedi avec Vladimir Poutine, a indiqué le Kremlin.
Les ambassadeurs de plusieurs pays occidentaux, ainsi que l'ex-président russe Dmitri Medvedev et le journaliste Dmitri Mouratov, Nobel de la paix 2021, se sont rendus aux funérailles pour présenter leurs condoléances à la fille de Gorbatchev, Irina. Après cette cérémonie, Gorbatchev doit être enterré au cimetière de Novodievitchi, à côté de son épouse Raïssa Gorbatcheva, morte en 1999 et dont il était très proche.
S'il n'assistait pas aux funérailles samedi, Vladimir Poutine s'était discrètement rendu jeudi à l'Hôpital central clinique (TSKB) de Moscou, où est décédé Gorbatchev, pour déposer un bouquet de roses rouges. Dans son message de condoléances, Vladimir Poutine a rendu un hommage sobre à Gorbatchev, constatant qu'il avait eu «une grande influence sur l'Histoire du monde» et s'était «efforcé de proposer ses propres solutions aux problèmes» de l'URSS.
Rapprochement Est-Ouest
Par contraste, les capitales occidentales, de Washington à Berlin, en passant par Paris, ont célébré chaleureusement la mémoire de Gorbatchev, salué pour avoir œuvré au rapprochement Est-Ouest et à une réduction des arsenaux nucléaires, ce qui lui avait valu en 1990 le Nobel de la paix. L'Allemagne, dont la réunification a été permise par la chute du mur de Berlin, a annoncé que les drapeaux seraient en berne dans la capitale allemande samedi.
Mais, en Russie, Gorbatchev est perçu par beaucoup comme le fossoyeur de la grande puissance soviétique qui rivalisait avec l'Amérique et dont la fin, jugée humiliante, a laissé place à une décennie de crises et de violences.
Boris Eltsine, premier président de la Russie au pouvoir lors des années de transition douloureuse vers l'économie de marché, et qui avait désigné Vladimir Poutine comme successeur, avait eu droit, lui, à des honneurs appuyés à sa mort en 2007. Le Kremlin avait alors décrété un jour de deuil national et organisé des funérailles officielles. En présence de Vladimir Poutine et Mikhaïl Gorbatchev.