Libye : La Cheffe de la diplomatie suspendue après une rencontre avec son homologue israélien
Najla El Mangoush, n’est plus ministre libyenne des Affaires étagères. Le gouvernement d’union nationale en Libye vient en effet d’annoncer qu’elle a été démise de ses fonctions.
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La ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla al-Mangoush, a été limogée, lundi, au lendemain de l'annonce d'une rencontre entre cette dernière et son homologue israélien à Rome la semaine dernière.
Scandale diplomatique en Libye. Le Premier ministre du gouvernement libyen basé à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, a finalement limogé sa cheffe de la diplomatie, Najla al-Mangoush, lundi 28 août au soir, pour avoir rencontré récemment son homologue israélien en Italie, une entrevue allant à l'encontre des lois libyennes et dont il était forcément au courant, estiment des analystes.
Abdelhamid Dbeibah avait suspendu la veille Najla al-Mangoush pour avoir eu une entrevue avec Eli Cohen, à Rome. Lundi, dans la journée, le Premier ministre avait annoncé son "limogeage" depuis l'ambassade palestinienne à Tripoli, avait rapporté la représentation diplomatique sur sa page Facebook.
Le Premier ministre s'y est rendu pour exprimer "le soutien libyen à la cause palestinienne", affirmant que la position de Najla al-Mangoush "ne représente pas le gouvernement de la Libye ni son peuple", selon la même source. La Libye ne reconnaît pas Israël et s'oppose à toute normalisation avec l'État hébreu.
Le sort de Najla al-Mangoush était inconnu lundi. Selon l'agence de presse turque Anadolu, citant des "sources de sécurité" anonymes, un avion gouvernemental libyen l'aurait conduite de Tripoli à Istanbul dans la nuit de dimanche à lundi.
L'Organe de sécurité (OSI) de l'aéroport de Mitiga, le seul opérationnel à Tripoli, a démenti avoir autorisé son départ à l'étranger, "que ce soit par le terminal ordinaire ou celui des hautes personnalités". "Les caméras de surveillance prouveront" qu'elle n'est pas partie via cet aéroport, selon l'OSI.
Un "bouc émissaire"
Avant que le Premier ministre libyen ne la "suspende" et n'ouvre une "enquête administrative" à son encontre dimanche, le ministère de Najla al-Mangoush avait qualifié l'entrevue avec Eli Cohen de "fortuite et non officielle".
Selon plusieurs spécialistes de la Libye, Abdelhamid Dbeibah – à la tête d'un gouvernement mis en place dans le cadre d'un processus de paix parrainé par l'ONU – avait donné son accord à cet entretien, Najla al-Mangoush étant un "bouc émissaire".
"Le Parlement de l'Est, (l'homme fort de l'Est Khalifa) Haftar et Dbeibah la rendent responsable de décisions auxquelles ils ont tous participé", a déclaré à l'AFP Anas el-Gomati du think tank Sadeq Institute.
Selon lui, "des pourparlers sont en cours pour créer un nouveau gouvernement intérimaire entre les familles Dbeibah et Haftar, négocié à Abou Dhabi" à la place des élections initialement prévues fin 2021 conformément au processus onusien, mais reportées sine die en raison des fortes divisions entre les différents camps en Libye.
Depuis un an, deux gouvernements se disputent le pouvoir dans le pays pétrolier, plongé dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Il y a celui d'Abdelhamid Dbeibah dans l'Ouest, et celui de l'Est soutenu par le maréchal Khalifa Haftar.
Selon Anas el-Gomati, pour garantir "un soutien américain [à un accord entre les deux camps], des pressions ont été exercées [sur la Libye] pour adhérer aux accords d'Abraham" de normalisation entre les pays arabes et Israël, desquels sont signataires les Émirats arabes unis.
Le Premier ministre libyen joue "sa survie"
Jalel Harchaoui, également spécialiste de la Libye, pense également à "une manœuvre d'Abdelhamid Dbeibah" pour se maintenir au pouvoir face "à une pression qui monte à l'ONU et aux États-Unis afin d'installer un nouveau gouvernement de technocrates" pour préparer des élections.
Pour Anas el-Gomati, Abdelhamid Dbeibah joue "sa survie" qui "dépend surtout des relations et des alliances qu'il entretient au-delà des frontières libyennes avec de puissants acteurs régionaux". "Le soutien de Tel Aviv à Haftar n'est un secret pour personne", a-t-il rappelé, qualifiant l'annonce de la rencontre par Israël de "stratégique" car "destinée à faire pencher la balance en faveur de Haftar, en acculant Dbeibah".
Le ministère israélien des Affaires étrangères a nié lundi être à l'origine de cette "fuite" d'information.
L'idée est, selon l'expert, soit de "pousser Dbeibah à abandonner le pouvoir, soit de le contraindre à un compromis avec le camp de Haftar via le canal secret d'Abou Dhabi".
Abdelhamid Dbeibah "a eu la tentation de faire un coup en termes de diplomatie, mais c'est raté, car il n'a pas évalué correctement le risque que la population se focalise sur lui [et non sur Najla al-Mangoush]", estime le spécialiste Jalel Harchaoui.
Des mouvements de protestation ont éclaté dimanche à Tripoli et dans plusieurs villes, et la maison du Premier ministre a été attaquée. Des groupes de jeunes ont coupé les routes, brûlé des pneus et brandi le drapeau palestinien. "Il y a un vrai sentiment d'outrage dans la population face aux politiques d'Israël vis-à-vis des Palestiniens", explique Jalel Harchaoui.
En Libye, toute relation avec Israël, ses ressortissants ou toute entité le représentant est passible de poursuites pénales assorties d'une peine d'emprisonnement de trois à dix ans, en vertu d'une loi datant de 1957.