Mort d'humanitaires à Gaza : l'armée israélienne reconnaît une « grave erreur »
L'armée israélienne a reconnu mercredi une "grave erreur" après la frappe qui a tué dans la bande de Gaza sept membres d'une ONG humanitaire, parmi lesquels six étrangers dont les corps devaient quitter le territoire palestinien pour être rapatriés.
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« Impardonnable » : le Jerusalem Post reprend en titre le terme utilisé par Erin Gore, le président de l’ONG World Central Kitchen, après la mort hier, mardi matin, de sept humanitaires dans la bande de Gaza, victimes d’une frappe de l’armée israélienne. Le Jerusalem Post qui relaye les messages de condoléances et d’excuses lancés par les autorités israéliennes.
Le quotidien israélien d’opposition Haaretz pointe le « contraste saisissant » entre la réaction de contrition d’Israël et ses précédentes réactions aux tragédies humanitaires survenues au cours du conflit à Gaza. « Cette fois, il n’y a eu aucune hésitation, aucune accusation contre le Hamas qui aurait causé la mort d’innocents, relève Haaretz. Il n’y a eu aucun blâme des victimes, aucune insinuation selon laquelle les travailleurs humanitaires se seraient trouvés au mauvais endroit au mauvais moment, ou auraient été associés à des éléments hostiles qui auraient fait d’eux une cible légitime. Les Forces de défense israéliennes ne pouvaient en aucun cas prétendre que l’ONG World Central Kitchen avait commis un quelconque acte répréhensible.
L’organisation travaillait en étroite coordination avec l’armée israélienne. »
Et Haaretz de poursuivre : « la mort de ces travailleurs humanitaires polonais, australiens, canadiens, britanniques, méritait absolument les paroles humbles et humaines de pardon prononcées par les Israéliens. Mais, s’exclame encore le journal, il en va de même pour les milliers de vies palestiniennes perdues. On espère que la réaction à cette tragédie sera plus qu’une réponse ponctuelle et qu’elle servira de leçon qui sera appliquée à l’avenir à toutes les victimes innocentes des actions d’Israël. »
« Où sont les limites ? »
La presse internationale exprime son indignation ce matin…
« Des bombes contre l’aide humanitaire », s’insurge El Pais à Madrid. El Pais qui rejette les excuses de Benyamin Netanyahu : « elles ne servent à rien » et qui pointe le « cynisme » du Premier ministre israélien lorsqu’il a déclaré : « cela arrive en temps de guerre… »
Et pourtant, soupire le Guardian à Londres, « les employés de World Central Kitchen se trouvaient dans des voitures clairement siglées, dans une zone "sans conflit". Ils s’éloignaient d’un entrepôt d’aide alimentaire, après avoir coordonné leurs mouvements avec Tsahal. Le convoi a été touché non pas une mais trois fois, tuant les survivants en fuite. »
Et le Guardian de hausser le ton : « Netanyahu considère son meilleur espoir de survie dans une guerre éternelle. Les alliés d’Israël sont de plus en plus réticents à défendre ses actions, mais ils ne les arrêteront pas. Que faudrait-il pour transformer les lamentations américaines en actions et empêcher Joe Biden de donner son feu vert à la fourniture d’avions de combat F-15 à Israël ? Où sont les limites maintenant ? Que faudra-t-il pour que les alliés d’Israël disent : stop, pas plus. »
Trois enseignements
Pour le New York Times, ce drame démontre trois faits majeurs :
Premièrement, l’armée israélienne frappe trop souvent à l’aveugle : « Selon les Nations unies, au moins 196 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza et en Cisjordanie depuis le début de la guerre en octobre. »
Deuxièmement : « cette tragédie va entraver l’aide humanitaire à Gaza et donc aggraver les risques de famine. »
Et troisièmement, « la crédibilité d’Israël en a pris un nouveau coup, et celle de l’Amérique aussi. (…) Le président Biden ne semble toujours pas disposé à user de son influence pour inciter Israël à relâcher la pression. »
Israël de plus en plus isolé…
Résultat, constate Le Figaro à Paris : « seul sur le banc des accusés, Israël risque plus que jamais l’isolement international. (…) Les images des cadavres ensanglantés des travailleurs humanitaires, leurs passeports britanniques, australiens et polonais déposés sur leurs gilets pare-balles, ont été largement partagées. Elles sont désastreuses pour Israël. (…) Un tonnerre de protestations s’est élevé dans le monde entier et particulièrement dans les pays dont des ressortissants ont été tués », relève encore Le Figaro, « mais la charge la plus rude est venue d’un ancien président d’Israël, Reuven Rivlin. Dans une interview à la radio militaire, très écoutée en Israël, il s’est inquiété de voir son pays "à deux pas de l’ostracisation internationale. Nous sommes en train de perdre, a-t-il déploré, les fantastiques valeurs morales que tous les gouvernements d’Israël ont défendues pendant des générations". »