Ces Palestiniens ne revendiquent pas d’appartenance au Hamas, mais leur proximité avec le mouvement les a souvent menés en prison. À Hébron, la grande ville du sud de la Cisjordanie occupée, la mouvance islamiste croit en l’isolement croissant d’Israël, après le 7 octobre et la guerre à Gaza.
Prudent, Hatem Amro se présente comme un partisan de « l’axe de la résistance », terme générique qui inclut le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais, les Houthis du Yémen et d’autres mouvements soutenus par l’Iran. Mais ici, nous sommes loin de Téhéran, cet ingénieur palestinien de 60 ans nous reçoit dans les bureaux de son agence à Hébron où il raconte avoir connu les prisons israéliennes, mais aussi celles de l’Autorité palestinienne, en raison de son activisme islamiste.
« Netanyahu, les dirigeants politiques et militaires israéliens ont fixé deux objectifs : récupérer les otages et éradiquer le Hamas, rappelle Hatem Amro. D’un point de vue militaire, si ces objectifs ne sont pas atteints, alors c’est une victoire pour le Hamas. » L’ingénieur palestinien est convaincu qu’après six mois de guerre à Gaza, Israël « est en déclin, affaibli ». Il ne voit aucune issue dans une solution à deux États ou dans le cadre d’un État binational.
Alors, l’islamiste palestinien cite les origines familiales polonaises ou russes de nombreux dirigeants israéliens, persuadé qu’ils en reprendront un jour le chemin et que l’État d’Israël est une parenthèse coloniale qui doit prendre fin.
Détention administrative
Le visage pâle et fatigué, Hani Abou Sbaa a retrouvé sa famille et sa maison le 18 avril dernier. Six mois de détention administrative, ce statut auquel Israël recourt pour détenir des Palestiniens sans procès. « J’ai perdu 20 kilos », raconte ce professeur d’hébreu à l’université d’Hébron, en nous montrant des photos de lui, joufflu et souriant, avant sa détention. Lui aussi reste vague sur ses liens avec le Hamas, mais l’argumentaire qu’il déroule épouse parfaitement la rhétorique du mouvement islamiste : « Israël prétend être le seul État démocratique du Proche-Orient, cette guerre a révélé que c’était faux. C’est un État oppresseur qui ne défend pas les libertés », assure Hani Abu Sbaa. Selon l’universitaire, « Israël a perdu sa place dans le monde avec les crimes perpétrés dans la bande de Gaza, les fosses communes, les mauvais traitements infligés aux prisonniers... Tout ce qui montre qu’Israël ne respecte pas le droit international. »
« L’ennemi, c'est l’occupation »
Hani Abou Sbaa explique ne pas avoir reçu de visite du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pendant sa détention, mais que l’organisation vient de recueillir son témoignage. Longue barbe blanche, Hatem Kafisheh nous dit également avoir livré un long récit au CICR pour dénoncer les sévices qu’il affirme avoir subis durant la même période d’emprisonnement : coups répétés, manque d’hygiène, privations, insultes, interdiction de conserver un Coran en cellule. Et même « agressions sexuelles », ajoute sans précisions cet homme de 64 ans qui se targue de détenir le record cumulé de détentions administratives dans les prisons israéliennes : seize ans et demi au total. « Mais cette fois, c'était 500 fois pire. »
L’homme qui parle est un député palestinien élu en 2006, lors des élections législatives remportées par le Hamas. Les Palestiniens n’ont jamais plus voté depuis, « mais je suis toujours député », lance Hatem Kafisheh, en s’appuyant sur la Constitution palestinienne. Le notable d’Hébron raconte avoir été privé de télévision ou de radio durant ses six mois de détention. « Ce sont les prisonniers qui arrivaient qui nous donnaient les nouvelles de la guerre à Gaza », dit-il. Libéré le 9 avril dernier, Hatem Kafisheh observe avec intérêt la vague pro-palestinienne qui s’empare des universités américaines. « J’ai vu à la télévision qu’il y avait parmi eux beaucoup de juifs qui se tiennent du côté de la justice pour les Palestiniens. Nous les remercions tous, assure-t-il, et je confirme que les juifs ne sont pas des ennemis du peuple palestinien. L’ennemi, c'est l’occupation. »
RFI