Cette semaine, sous le nom de «Xinjiang Police Files», les médias internationaux ont publié des photos montrant les sévices infligés aux Ouïghours, issues des camps hautement sécurisés de la province chinoise du Xinjiang, au nord-ouest du pays. Le gouvernement y mène une lutte acharnée contre cette minorité musulmane qu’elle veut «rééduquer culturellement».
Ces révélations «mettent une fois de plus la Suisse dans l’embarras moral» au vu des relations commerciales importantes avec Pékin, notre principal partenaire commercial en Asie depuis 2010, note la «NZZ am Sonntag». Des relations dont il faut peut-être revoir la proximité, comme le note le professeur Ralph Weber de l’Institut européen de l’Université de Bâle, expert de la Chine: «La pression du Parlement et de la société civile pour réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine ne cesse de croître», comme c’est d’ailleurs le cas dans plusieurs pays.
Outre la documentation fiable sur les violations des droits de l’homme au Xinjiang, les événements de Hong Kong et la «fermeture de plus en plus autoritaire du parti-Etat chinois» ont été décisifs. À cela s’ajoutent la situation difficile de l’économie chinoise et la guerre en Ukraine.
Les entreprises suisses doivent contrôler si elles recourent au travail forcé
Aussi, le Parlement se montre plus critique que jamais à l’égard de la Chine. Peu avant la publication des «Xinjiang Police Files», la Commission juridique du Conseil national a ainsi approuvé une initiative parlementaire demandant que les entreprises suisses actives à l’étranger soit obligées d’examiner l’ensemble de leur chaîne de création de valeur afin de déterminer si elles ont recours au travail forcé – avec un accent mis sur le Xinjiang, où les Ouïghours sont systématiquement contraints au travail dans les usines.
Critiquer la Chine est aussi devenu acceptable côté bourgeois. «Je serais aujourd’hui bien plus critique à l’égard de l’accord de libre-échange avec la Chine», a récemment déclaré le président du Centre, Gerhard Pfister, dans la «NZZ am Sonntag».
Accord de libre-échange Suisse-Chine au point mort depuis 2018
Conséquences économiques importantes
Reste que ces changements auront des conséquences économiques. Ce que déplorent certains. Jean-Philippe Kohl, vice-directeur et responsable de la politique économique à l’association Swissmem, estime les signaux politiques négatifs envers Pékin comme «exagérés et émotionnels». Il est d’accord que la situation des droits de l’homme en Chine doit être améliorée de toute urgence, mais demande que Berne fasse «un effort dans la diplomatie silencieuse, afin d’éviter que les relations se détériorent».
Le Matin