Les stigmates psychologiques de la variole du singe
On connaît bien les symptômes de la variole du singe : lésions cutanées et accès de fièvre. Mais les personnes atteintes souffrent aussi de répercussions psychologiques, affirment des soignants.
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De nombreux malades veulent alerter sur la détresse psychologique qui touche les personnes atteintes par la maladie
Si la variole du singe fait principalement écho à des lésions cutanées et à des accès de fièvre, les personnes atteintes souffrent aussi des répercussions psychologiques liées à la maladie, préviennent d’anciens malades et soignants.
« On ne sort pas indemne d’une maladie qui nous a fait très mal, enfermé pendant trois semaines avec, en plus, le poids de la discrimination », confie Corentin Hennebert, 27 ans, qui a publiquement pris la parole après avoir été « l’un des premiers cas » français. Depuis sa rémission, il est sollicité par d’autres malades qui font comme lui état du « coût psychologique » de la maladie.
Santé publique France a précisé, vendredi 19 août, que plus de 100 000 doses de vaccin avaient été livrées dans ces centres, ajoutant que 2 889 cas confirmés de variole du singe avaient été recensés à la date de jeudi 18 août
« Il y a une détresse psychologique qui est liée à plusieurs choses », explique Nathan Peiffer-Smadja, infectiologue à l’hôpital Bichat (Paris), qui a coordonné une étude clinique sur les patients infectés.
D’une part, « la douleur » et les éventuelles « séquelles, notamment esthétiques », d’autre part, le fait d’être atteint par « une maladie dont les gens n’ont jamais entendu parler » et qui survient après deux années d’épidémie de Covid-19, entraînant un nouvel isolement de trois semaines.
Une petite partie des malades développe des lésions internes, notamment proctologiques, « extrêmement douloureuses » et qui nécessitent parfois l’hospitalisation voire une intervention chirurgicale, explique-t-il.
« Lames de rasoir »
Ce fut le cas pour Corentin Hennebert : « J’avais constamment l’impression qu’on m’enfonçait des lames de rasoir, je n’arrive pas à trouver d’autre comparatif tellement c’était fort », raconte-t-il.
Avant d’être placé sous tramadol, un puissant antidouleur, il avait « perdu 7 kg sur trois jours » car il ne s’alimentait plus. « Je ne pensais qu’à la douleur », se souvient-il. « Et je ne suis pas le seul, d’autres m’ont contacté pour me dire qu’ils étaient à bout, qu’ils pleuraient tout le temps ».
Épargné par ces souffrances, Sébastien Tuller, 32 ans, raconte avoir, lui, été affecté par l’aspect des lésions. « C’était vraiment moche et je ne savais pas quoi faire. J’angoissais énormément d’en voir apparaître sur mon visage ».
« Dès qu’une maladie est visible, elle fait peur parce qu’elle devient potentiellement stigmatisante », observe Michel Ohayon, directeur du 190, un centre de santé sexuelle, faisant le parallèle avec « le sarcome de Karposi » qui était « le symptôme du Sida ».
Une comparaison souvent reprise par les personnes concernées. Car si les deux maladies « n’ont rien à voir » en termes de gravité, la variole du singe « vient réveiller des traumatismes du VIH », estime Nicolas Derche, directeur national du pôle de santé communautaire du groupe SOS, qui regroupe 650 structures sociales et médico-sociales.
Le trauma ravivé du VIH
« Chez les personnes séropositives, cela a réactivé des choses très violentes », qu’il s’agisse de la « peur d’un diagnostic » ou de « revivre une stigmatisation forte », rapporte Vincent Leclercq, militant à Aides.
Comme ce fut le cas avec le VIH, la variole du singe circule actuellement principalement au sein de la communauté HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), ce qui a entraîné un regain de discriminations.
« Il y a beaucoup d’homophobie ordinaire et cela a un vrai impact sur la santé mentale », témoigne Sébastien Tuller, militant LGBT et juriste, qui raconte avoir reçu des torrents d’insultes et de remarques désobligeantes.
« Beaucoup ne disent pas qu’ils ont le monkeypox ou qu’ils l’ont eu, par peur d’être stigmatisés », rapporte-t-il. « Des jeunes surtout, qui n’ont pas encore fait leur coming-out » auprès de leur famille, ou des personnes qui ont peur de voir leur orientation sexuelle révélée à leur employeur en raison de la durée de l’isolement (trois semaines).
En août, Santé Publique France relevait des « difficultés d’ordre psychologique et relationnel » rapportées via la ligne « Monkeypox info service ». L’association qui gère ce service d’écoute précise que 22 % des appels portent sur ces thématiques.
Parmi les autres répercussions observées, les effets sur la santé mentale « de la précarisation » engendrée pour certains, comme les auto-entrepreneurs ou les travailleurs du sexe, par les trois semaines d’isolement, et la « dégradation de la vie sexuelle », indique Nicolas Derche.Par crainte d’être contaminées ou de contaminer, de nombreuses personnes ont cessé toute activité sexuelle depuis des mois, ou rencontrent des problèmes de libido, expliquent les associations.