Covid-19 : la levée de l'obligation du masque a été "incontestablement" prématurée, estime l'épidémiologiste Yves Buisson
Un test positif au Covid, le 17 mars 2022 (illustration). (DAMIEN MEYER / AFP) Selon le président de la cellule Covid-19 à l’Académie nationale de médecine, les admissions en réanimation "vont arriver. On sait bien qu'il y a un décalage entre les contaminations et malheureusement, la survenue de formes compliquées". Yves Buisson, épidémiologiste...
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Yves Buisson, épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 à l’Académie nationale de médecine, estime mercredi 23 mars sur franceinfo que la levée du port du masque obligatoire en intérieur s'est "incontestablement" faite trop tôt, le 14 mars dernier, alors qu'on "a affaire à une recrudescence très importante" de l'épidémie.
Yves Buisson : Oui, incontestablement. Il semblait que cette décision démange un peu les décideurs politiques pour satisfaire une grande partie du public. Mais cette décision a été prise un peu par le grand public comme une annonce de la fin de la pandémie. Or, on voit bien qu'il n'en est rien. La pandémie n'est pas finie et il faut continuer de respecter les gestes barrières et le port du masque partout où c'est nécessaire, surtout pour les personnes à risques. Elles doivent continuer de se protéger. Dans la mesure où le port du masque n'est plus obligatoire, il faut maintenant changer la doctrine. Le port du masque obligatoire dans l'espace public, c'était pour protéger les autres.
"Maintenant que tout le monde a enlevé le masque, il faut que les personnes à risque portent un masque de type FFP2, qui les protège elles."
Et puis, se maintenir à jour de vaccination : on a encore trop de personnes à risque qui n'ont pas reçu leur 3ème dose, alors qu'on envisage déjà une 4ème dose pour les plus âgés.
Comment explique-t-on ce rebond de l'épidémie de covid-19 ?
Il y a plusieurs raisons. D'abord, il y a le relâchement des mesures anti-Covid, facteur principal, annoncé pour le 14 mars mais bien anticipé par l'ensemble de la population. Deuxièmement, le fait que les températures encore fraîches favorisent la transmission du virus. Et puis, troisième facteur, c'est ce variant Omicron BA2 qui est extrêmement transmissible, qui est même capable parfois d'infecter des personnes qui ont déjà été infectées par le Omicron BA1. On a affaire à une recrudescence très importante, très rapide, qui a sans doute été sous-estimée. Il ne faut pas se leurrer sur le fait qu'il n'y a pas beaucoup d'entrées à l'hôpital ou d'admissions en réanimation nouvelles : cela va arriver. On sait bien qu'il y a un décalage entre les infections, les contaminations et malheureusement, la survenue de formes compliquées.
Est-ce qu'on parle d'une sixième vague ?
C'est une recrudescence épidémique importante qui, peut-être, se confirmera et pourra se faire appeler sixième vague. Peu importe le nom qu'on donne, l'essentiel est de savoir quel sera le plafond de cette recrudescence épidémique. Est-ce qu'on va atteindre le plafond avant la fin du mois de mars, comme semble le prévoir l'Institut Pasteur, ou est-ce que ça ira plus loin ? Probablement, ça va se calmer avec les mois d'avril et mai, avec le retour du beau temps qui, généralement, s'accompagne d'une diminution de la circulation du virus. On n'est pas encore à l'abri d'une recrudescence nouvelle, même après l'été. Il faut donc maintenir la couverture vaccinale, et pour les personnes à risques, maintenir la protection individuelle avec le masque FFP2.
La levée du pass vaccinal est-elle une erreur selon vous ?
On a été très en retard dans les décisions importantes. Le pass vaccinal était une très bonne décision que l'Académie médecine avait recommandée depuis le mois de mai de l'an dernier, et il n'a été appliqué qu'au mois de janvier, alors que la vague Omicron était en train de redescendre. Quand on applique des décisions trop tard, on dit que ça n'a pas servi à grand-chose, mais c'est parce qu'elles ont été appliquées avec beaucoup de retard.
"Le principe du pass vaccinal, c'était surtout d'inciter les gens à la vaccination. Or, on a encore une marge très importante de personnes non vaccinées ou de personnes à risque qui n'ont pas reçu leur troisième dose. C'est ce qui nous inquiète."