Etats-Unis : un juge fédéral suspend la prescription d'une pilule abortive dans tout le pays
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C'est une nouvelle victoire retentissante pour les opposants à l'avortement aux Etats-Unis. Dix mois après l'arrêt historique de la Cour suprême qui a rendu à chaque Etat américain la possibilité d'interdire les interruptions de grossesse sur son sol, le juge fédéral Matthew Kacsmaryk, a retiré l'autorisation de mise sur le marché d'une pilule abortive agréée depuis plus de vingt ans et utilisée chaque année par un demi-million d'Américaines.
Connu pour ses vues ultraconservatrices, le magistrat a rendu, depuis le Texas, une décision sur la mifépristone, l'une des deux pilules utilisées dans les procédures d'avortements médicamenteux aux Etats-Unis, censée s'appliquer à l'ensemble du pays.
Arbitrage attendu de la Cour suprême
Sa décision a toutefois très vite fait l'objet d'un appel devant la justice au Texas de l'Agence américaine des médicaments (FDA). Il y a plus de deux décennies, elle avait approuvé la pilule abortive « sur la base d'un examen complet des preuves scientifiques disponibles et déterminé qu'elle était sûre et efficace pour [une] interruption médicale de grossesse précoce », a rappelé l'Agence.
Au même moment, un autre juge fédéral dans l'Etat de Washington a jugé que l'autorisation de mise sur le marché de la mifépristone (RU 486) ne pouvait être retirée dans les 17 Etats démocrates qui l'avaient saisi. Il va revenir rapidement à la Cour suprême, profondément remaniée par Donald Trump, de clarifier la situation. La décision du juge Kacsmaryk, lui-même nommé par l'ancien président, ne s'appliquera de toute façon pas avant une semaine, le magistrat ayant choisi de laisser le temps au gouvernement fédéral de faire appel.
Une procédure initiée par les opposants à l'avortement
L'exécutif a aussitôt entamé une contre-attaque. Le président Joe Biden s'est dit déterminé à « combattre » cette décision, la qualifiant de tentative « sans précédent de priver les femmes de libertés fondamentales ». « Le ministère de la Justice est en profond désaccord » avec la décision, « il fera appel […] et demandera un sursis en attendant », a déclaré le ministre Merrick Garland.
Dans son jugement, le juge Kacsmaryk valide la plupart des arguments figurant dans la plainte déposée en novembre par une coalition de médecins et d'organisations hostiles à l'avortement contre la FDA. Comme eux, il reprend des études sur les risques imputés à la pilule abortive, bien qu'ils soient jugés négligeables par la majorité de la communauté scientifique. Il accuse la FDA de suivre un objectif politique.
Craintes pour d'autres médicaments
« C'est du jamais vu et profondément préjudiciable », a commenté la puissante organisation de planning familial Planned Parenthood, qui gère de nombreuses cliniques pratiquant des IVG dans le pays. « Nous devrions tous être révoltés qu'un juge puisse unilatéralement rejeter les preuves médicales » pour contredire la FDA, a ajouté sa présidente, Alexis McGill Johnson, en soulignant que cette décision pourrait avoir des conséquences « bien au-delà de l'avortement ».
La vice-présidente démocrate Kamala Harris a elle aussi fustigé « une décision sans précédent qui menace les droits des femmes dans tout le pays », en faisant part de ses craintes de conséquences pour d'autres médicaments contre le cancer ou le diabète.
Solution alternative
Les opposants à l'avortement, eux, n'ont pas dissimulé leur joie. Le groupe SBA Prolife America a salué « une victoire pour la santé et la sécurité des femmes et des filles ». « Nous avons bon espoir que le mépris dangereux pour la vie des femmes affiché depuis deux décennies par la FDA soit bientôt corrigé », affirme sa directrice des affaires politiques, Katie Glenn.
Même si la justice suspendait in fine l'autorisation de la FDA, il faudrait sans doute plusieurs mois avant que sa décision ne s'applique. Les femmes et les médecins pourraient aussi se rabattre sur une seconde pilule, le misoprostol, dont l'usage se combine aujourd'hui avec la mifépristone.