Remaniement : François Braun quitte la Santé… et laisse derrière lui un hôpital toujours en crise
François Braun n'est plus ministre de la Santé. L'ancien chef des urgences du CHR Metz-Thionville fait les frais du remaniement annoncé ce jeudi. Aurélien Rousseau va être nommé à sa place au gouvernement.
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L'ancien urgentiste qui a lancé un vaste plan de réorganisation de l'hôpital a été confronté à une grève sans précédent des médecins libéraux. De quoi pousser Emmanuel Macron à l'exfiltrer. Une députée Renaissance juge la "mission impossible" face à la "colère des soignants".
Bye bye François Braun. L'ex-urgentiste rentré au gouvernement en juin 2022 fait les frais du remaniement. Le médecin, qui peut pourtant se targuer d'avoir fait avancer des dossiers hautement sensibles, paie le prix d'une greffe qui n'a jamais prise avec le secteur hospitalier.
À son arrivée, celui qui a longtemps été le président du syndicat Samu Urgences France affiche pourtant sa confiance. Emmanuel Macron n'a-t-il pas promis de faire de la santé l'une des priorités de son second quinquennat? C'est François Braun en personne qui a planché sur ce volet de son programme.
"Il est arrivé en se disant qu'il aurait les mains libres et en sous-estimant la souffrance du monde soignant, en se disant qu'il avait la bonne recette", analyse un ex-conseiller ministériel d'Olivier Véran auprès de BFMTV.com.
Nommé pour "faire retomber la pression"
À quelques jours de son premier budget dans l'hémicycle, chauffé à blanc et sous pression avec une majorité relative, cet ancien joueur de rugby la joue même bravache: "on n'opère pas à cœur ouvert ici", lance-t-il auprès de La Dépêche. Comprendre: le ministre qui a été l'un des premiers à entrer dans les locaux de Charlie Hebdo après l'attentat en janvier 2015 en a vu d'autres.
La situation hospitalière est pourtant sous très haute tension: à l'été 2022, pas moins de 120 services d'urgence ferment en partie ou totalement. Le tout sur fond de fin de crise du Covid-19 qui a mis a très rude épreuve les soignants en dépit d'un Ségur de la santé qui a amélioré la rémunération des soignants.
"On pensait qu'il parviendrait à faire retomber la pression dans les hôpitaux. On a eu tort. Mais c'est mission impossible quand vous avez autant de colère face à vous depuis autant d'années", regrette une députée Renaissance.
Macron aux avants-postes
Pour tenter de résoudre la situation, François Braun dégaine "les mesures flash" qu'il avait lui-même préconisé dans un rapport que lui a confié Olivier Véran, alors ministre de la Santé.
Au menu: appel au 15 pour pouvoir ensuite être admis aux urgences et revalorisation des gardes de nuit. Sans convaincre.
De quoi pousser Emmanuel Macron à reprendre la main. C'est lui-même qui dévoile les principales annonces du plan santé lors de ses vœux aux soignants en janvier dernier, aux côtés de François Braun qui ne pipe mot.
"Des annonces un peu vaines pour les soignants"
Il faut dire que le président essaie de taper fort. Au menu: un tandem médecin-administratif pour gérer les hôpitaux, la réorganisation du travail pour éviter "l'hyper rigidité" des 35 heures ou encore des financements directement liés à la tenue d'objectifs de "santé publique". Las: le diagnostic ne semble guère convaincre les soignants hospitaliers
"On a tellement dégradé l'hôpital ces trente dernières années que toutes les annonces défendues par le ministre semblent un peu vaines pour les soignants", décrypte le sénateur LR Alain Milon et rapporteur des dernières lois santé au Palais du Luxembourg.
"Braun a su tenir tête aux médecins"
Les médecins libéraux sont, eux, particulièrement remontés. Alors qu'ils attendaient une revalorisation du prix des consultations, Emmanuel Macron a fermé la porte.
La philosophie présidentielle repose sur du "donnant-donnant" avec des hausses de rémunération seulement en cas de nouvelle prise en charge de patient qui n'ont pas de médecin traitant ou de garde de nuit à l'hôpital.
En colère, les médecins libéraux, qui ont déjà entamé une grève pour exiger une consultation de base facturée à 50 euros contre 25 euros actuellement, haussent encore le ton. Les négociations peinent à aboutir: la Sécurité sociale, appuyée par le gouvernement, propose une revalorisation d'1,5 euro. Un syndicat menace même d'émasculer le ministre.
"On a eu pendant des années des gouvernements qui flippaient devant les médecins et leurs relais à l'Assemblée. Résultat: on n'a jamais voulu toucher à rien. Braun a su leur tenir tête. C'est bien", avance un lieutenant de la macronie.
L'intérim médical, pierre de discorde
Autre gros caillou dans la chaussure du ministre: le plafonnement de la rémunération de l'intérim médical. Depuis des années, pour palier aux manques de médecins hospitaliers, les établissements publics de santé embauchent pour des gardes des médecins intérimaires à des tarifs très importants - jusqu'à 5000 euros les 24 heures de garde.
Ce phénomène d'"intérim cannibale" comme l'appelle le ministre représente environ 12% de l'ensemble des praticiens hospitaliers en France pour un coût d'1,5 milliard d'euros aux hôpitaux et fait tourner de très nombreux services de santé.
Si le ministre se félicite de l'application de la loi, votée il y a plus de sept ans, y voyant des moyens retrouvés pour le secteur hospitalier, les médecins libéraux sont vent debout contre.
La proposition de loi de Frédéric Valletoux (Horizons) qui veut interdire l'intérim en début de carrière pour tenter d'éradiquer les déserts médicaux ajoute encore une étincelle.
"Braun a manqué de sens politique"
Le gouvernement a pourtant fait un geste en ne reprenant pas à son compte la proposition de loi transpartisane signée par plus de 40 députés pour mieux "réguler" l'installation des médecins, aujourd'hui totale, et tenter de mettre fin aux déserts médicaux.
"Ce qui est dur, c'est qu'on a vraiment tenté de ne pas braquer les médecins libéraux et qu'on ne s'est pas vraiment fait comprendre. En ça, Braun a manqué de sens politique", avance un ancien conseiller d'Olivier Véran.
De son côté, le ministre assène n'avoir pas démérité en dépit de très fortes difficultés aux urgences à nouveau cet été. "Il y a les discours et les faits", répète-t-il à plusieurs reprises sur BFMTV fin juin. C'est Aurélien Rousseau, l'ancien directeur de cabinet d'Élisabeth Borne à Matignon, qui lui succède rue de Ségur.