Des virus à l’origine du parfum des roses
Il y a des millions d’années, des virus s’attaquent à un églantier sauvage, ancêtre des roses actuelles, et bouleversent ses gènes.
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Il fait tourner la tête à bien des jardiniers : le parfum des roses. Mais pour le Laboratoire de biotechnologies végétales de l'université de Saint-Etienne, l'important c'est de comprendre. Ses chercheurs viennent de faire une découverte sur l'un des ingrédients les plus précieux de la parfumerie. La science a déjà identifié des centaines de molécules produites dans les pétales, dont trois principales : le citronellol de la citronnelle, le phényléthanol de la tomate et le géraniol du géranium.
Ce laboratoire travaille sur les mécanismes de biosynthèse des composés volatils dans les plantes aromatiques et médicinales, qui intéressent particulièrement les fabricants d'huiles essentielles pour la cosmétique, les lessives et autres produits lavants ou désodorisants. Il avait déjà découvert en 2000 que, pour la rose, ce géraniol n'était pas fabriqué par les mêmes enzymes que dans les autres végétaux. Pourquoi ?
Cinq à dix copies du gène
L'équipe du professeur Jean-Claude Caissard a finalement percé le mystère. L'histoire commence il y a plusieurs millions d'années chez les ancêtres des Rosoideae. Une duplication accidentelle sur un chromosome d'églantier a multiplié par trois le gène NUDX1, présent dans bien d'autres plantes et même chez les mammifères, mais en exemplaire unique. Chez l'homme, c'est un marqueur de tumeurs cancéreuses, mais c'est tout autre chose sur la rose !
Un virus s'est probablement attaqué à l'un des églantiers sauvages. Comme il arrive souvent, l'intrus s'est installé dans le chromosome de sa victime, « phénomène bien connu sous le nom de transposon », précise l'enseignant-chercheur. « La moitié des chromosomes humains sont constitués de transposons. » Ces derniers n'ont plus d'activité virale, mais ils ont gardé la capacité de sauter au hasard d'un chromosome à l'autre, entraînant des gènes avec eux, en les faisant parfois changer de fonction. C'est ce qu'il advint, par exemple, pour la couleur des oranges sanguines.
Chez l'églantier, le transposon a embarqué avec lui l'anomalie de la triple copie de NUDX1 et l'a déposée dans un autre transposon. L'enzyme codée par ce gène s'est mise à fonctionner exclusivement dans les pétales… et à fabriquer du géraniol. Avec de nouvelles duplications : « Si bien qu'on trouve cinq à dix copies du gène sur certaines roses sauvages, à l'origine de productions records de la molécule odorante », explique Jean-Claude Caissard.