Emmanuel Macron espérait faire des six mois de présidence française du Conseil de l’Union européenne une occasion pour asseoir le leadership qu’il revendique au sein des Vingt-Sept. L’exercice s’annonçait délicat en raison des élections en France. Surtout, il a été marqué par le retour de la guerre en Europe, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, venue percuter l’agenda préparé par Paris et mettre à l’épreuve la « souveraineté » européenne chère au chef de l’Etat.
Dans ce contexte belliqueux, les dirigeants européens ont multiplié, ces derniers jours, les compliments envers le volontarisme déployé par la France, qui a passé la main à la République tchèque, vendredi 1er juillet. « La France peut être fière » de sa présidence, a jugé Ursula von der Leyen, la patronne de la Commission, tandis que le président du Conseil européen, Charles Michel, saluait le « travail gigantesque réalisé ».
Six trains de sanctions
On ne peut, en effet, que saluer la réussite de cette présidence. Le gouvernement français se réjouit, à juste titre, d’avoir fait avancer les grands dossiers à l’ordre du jour – de la transition énergétique à la régulation du numérique, en passant par la gestion des frontières et la représentation des femmes dans les conseils d’administration. Il peut se targuer aussi d’avoir su coordonner la riposte au choc suscité par l’agression d’un pays situé aux portes de l’Union européenne.
La France s’est mobilisée pour faire émerger les six trains de sanctions pris à l’encontre de Moscou depuis le début du conflit. Elle s’est aussi employée à organiser le soutien humanitaire, financier et militaire de l’Ukraine, avec le cofinancement européen, inédit, de livraison d’armes à un pays tiers en guerre. Sans oublier la réactivité des Vingt-Sept pour accueillir les millions de réfugiés ukrainiens fuyant la guerre. Enfin, Paris a œuvré pour muscler la « boussole stratégique » des Vingt-Sept et renforcer les efforts de coopération en matière de défense, en complément d’une OTAN en pleine renaissance.
Lors de la réunion du Conseil européen des 23 et 24 juin, cette mobilisation a culminé avec l’attribution du statut de candidat à l’Ukraine, une semaine après la visite à Kiev d’Emmanuel Macron et des dirigeants allemand, italien et roumain.
Mais si le bilan est positif dans de nombreux domaines, il ne doit pas empêcher de s’interroger sur les limites du leadership d’Emmanuel Macron, dans une Europe où les rapports de force évoluent. Ainsi, la volonté du chef de l’Etat de « ne pas humilier » la Russie, son souci de garder une ligne de communication ouverte avec le Kremlin ont pu affaiblir son autorité dans la partie du continent – Pologne et pays baltes – qui défend une poursuite de la guerre jusqu’à la défaite russe, là où la France, l’Allemagne et l’Italie prônent une ligne plus modérée.
Seul le temps permettra de juger du sort des projets esquissés sous la présidence française. L’avenir de l’idée de « communauté politique européenne », lancée début mai par Emmanuel Macron afin d’arrimer les pays candidats à l’UE sans précipiter l’élargissement, constituera un premier test pour jauger de l’autorité réelle du chef de l’Etat. Le second test, portant sur l’éventualité de promouvoir un nouveau plan de relance adossé à une dette commune, sera plus redoutable encore si le conflit en Ukraine devait entraîner une récession au sein des Vingt-Sept. L’une comme l’autre idées sont loin de faire consensus, mais elles méritent d’être défendues.
Le Monde