Projet pétrolier en Alaska : la « trahison » de Joe Biden
Le feu vert de l’administration Biden au projet pétrolier en Alaska, Willow, a suscité la colère des associations environnementales aux États-Unis.
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C’était une des promesses phares du président étasunien, Joe Biden, lors de sa campagne électorale en 2020 : pas de nouveau forage de gaz ou de pétrole sur les terres fédérales des États-Unis. Pourtant, son administration démocrate, qui se targue d’être à la pointe de la lutte contre la crise climatique, le 13 mars a approuvé le projet pétrolier controversé du géant ConocoPhillips dans le nord-ouest de l’Alaska.
Une trahison amère pour les associations écologistes, de la part de celui qui se présente comme le « président du climat » et qui vante son plan d’investissement de 370 milliards de dollars dans les énergies propres. Raena Garcia, chargée du dossier des énergies fossiles pour l’organisation Friends of the Earth, a ainsi dénoncé « une immense et répréhensible tache sur l’héritage environnemental » du locataire de la Maison-Blanche. « Désormais, cela va être beaucoup plus difficile d’expliquer au public américain qu’il doit nous rejoindre et nous soutenir », regrette Lena Moffitt, directrice exécutive du groupe Evergreen Action, selon le site Politico.
Bien décidées à se battre, six organisations environnementales ont annoncé le lendemain de l’annonce poursuivre l’administration Biden en justice. Le ministère de l’Intérieur, en charge des terres fédérales, ainsi que d’autres agences gouvernementales sont accusées ne pas avoir « considéré d’alternatives » pour mieux atténuer les effets néfastes de ce projet à 8 milliards de dollars baptisé « Willow ».
Mettre fin au développement du pétrole
Certes, l’administration Biden a réduit la taille du projet d’origine (trois sites de forage contre cinq proposés au départ par ConocoPhillips) et a forcé le pétrolier à céder ses permis de forage sur quelque 28 000 hectares de la Réserve nationale de pétrole d’Alaska. Mais l’exploitation devrait tout de même mener à la production de 180 000 barils de pétrole par jour. Sur trente ans, ce sont quelque 239 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions combinées d’1,7 million de voitures sur la même période, qui seront relâchées dans l’air.
Tout cela malgré un soutien assez large en Alaska : des pétitions contre le prodans ont amassé plus de 4 millions de signatures. Même l’ancien candidat démocrate à la présidentielle Al Gore, qui s’attache depuis plusieurs années à défendre l’environnement, est monté au front la semaine dernière. « On n’a pas besoin de soutenir l’industrie des énergies fossiles avec de nouveaux projets s’étalant sur plusieurs années et qui sont des recettes pour le chaos climatique. Il nous faut à la place mettre fin au développement du pétrole, du gaz et du charbon et embrasser les nombreuses solutions climatiques qui sont à portée de main », a-t-il déclaré au Guardian le 10 mars.La jeunesse trahie
La jeunesse progressiste, qui a soutenu Joe Biden en 2020 pour faire barrage à son adversaire républicain, Donald Trump, se sent tout aussi trahie. Le mouvement Sunrise a ainsi estimé que la décision « abandon[nait] des millions de jeunes gens » avant le scrutin présidentiel de 2024. Le locataire de la Maison-Blanche « va absolument voir les conséquences de cette décision en 2024 », a prévenu dans Politico Liv Schroeder, du groupe de jeunes écologistes Fridays for Future. Elle ajoute que plusieurs militants ont déjà tweeté qu’ils ne voteraient pas pour lui s’il se représentait comme prévu.
La jeunesse s’était aussi énormément mobilisée sur le réseau social TikTok. Via des vidéos taguées des mots-clés #StopWillow et #StopTheWillowProject, des tiktokeurs ont généré des centaines de millions de vues. « C’est la première fois qu’un hashtag lié au climat fait partie des sujets tendances sur la plateforme », observe Dana R. Fisher, professeure de sociologie à l’Université du Maryland, interrogée par ABC News. Elle rappelle que les nouvelles générations, en première ligne face aux défis du dérèglement climatique, sont appelées à devenir le plus large groupe d’électeurs aux États-Unis d’ici à 2025. En bafouant sa promesse de campagne, Joe Biden pourrait bien se mettre cet électorat à dos. Pis, cette décision pourrait accroître davantage la défiance envers les institutions gouvernementales.